Législatives : OTMeds publie son analyse des programmes sur les politiques du médicament et des produits de santé

Publié le 14 juin 2022 Dans la catégorie : Communiqués de presse , , , , ,

S’appuyant sur ses travaux1, l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament (OTMeds) a analysé les programmes des candidat-es qui ont passé le premier tour des élections législatives : seul celui de la « NUPES » semble garantir une réelle défense du droit à la santé, notamment en matière de lutte contre les pénuries de médicaments, de régulation des dynamiques d’augmentation des prix, ou d’orientation de la recherche aux services de tous et toutes.

Un enjeu essentiel mais invisible

La question de l’accès à la santé revient régulièrement en tête des priorités des citoyen-nes. Cet enjeu aura pourtant été invisible durant la campagne présidentielle et celle des législatives. Pourtant, ce droit à la santé est de plus en plus malmené en France, notamment pour ce qui touche la question des médicaments et des produits de santé. Le nombre de pénuries de médicaments augmente chaque année de façon exponentielle. Le prix des nouveaux traitements explose avec peu de critères rationnels, mettant en danger la pérennité de notre système de santé. Adossée avant tout à des intérêts privés, la recherche ne répond pas à nombre de besoins urgents2 jugés moins rentables par les firmes. L’opacité qui entoure la chaine du médicament rend très difficile toute évaluation pertinente des politiques pharmaceutiques. La dépendance de la puissance publique aux intérêts privés, accrue par les conflits d’intérêt envers les multinationales, les cabinets de conseil et la pratique courante du « pantouflage », compromet toute réponse sanitaire efficace aux grands enjeux actuels.

Il est urgent de mettre en place les réformes nécessaires pour garantir la transparence sur le secteur pharmaceutique, une recherche sans angle mort, un accès aux médicaments et des prix justes. L’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament (OTMeds) a montré par ses divers travaux que les réponses adaptées impliquent la mise en place de la transparence sur le secteur pharmaceutique (à travers notamment la mise en œuvre de la résolution adoptée par l’OMS en 2019), un contrôle accru et des conditionnalités sur les aides publiques accordées aux firmes privées, une production locale publique notamment pour les médicaments essentiels, sortant ces médicaments du principe de l’offre et de la demande, qui pousse les firmes à vendre aux plus offrants même si cela génère des pénuries.

L’analyse des programmes et du bilan des groupes politiques

Otmeds avait présenté début avril 2022 son évaluation des programmes des candidat-es à la présidentielle, où Jean-Luc Mélenchon (LFI), Fabien Roussel (PCF), Yannick Jadot (EELV) et Philippe Poutou (NPA) se distinguaient dans ce domaine. Nous analysons aujourd’hui les programmes des groupes issus du premier tour des législatives, en tenant par ailleurs compte du bilan des candidat-es quand elles ou ils ont exercé des responsabilités.

1- Aujourd’hui au sein des 3 blocs qui ressortent du premier tour, seul le programme de la NUPES prévoit des mesures garantissant l’amélioration des politiques pharmaceutiques.

Ce que dit le programme: 

Il appelle à « la levée des brevets sur les médicaments et les équipements nécessaires à une réponse sanitaire urgente, et à rendre obligatoire le partage de connaissances, de compétences et de technologies en vue d’une production massive et équitablement répartie des biens médicaux de première nécessité »

Un pôle public du médicament qui devra notamment assurer la transparence dans les aides publiques à la recherche et les « coût réels » des traitements, garantir une réserve stratégique, faire baisser les prix exorbitants.

Dans son chapitre 5, le programme prévoit de durcir les règles concernant les conflits d’intérêt et d’interdire tout pantouflage. Dans les chapitre 4 ou 7, des mesures prévoient de protéger la recherche en santé de la finance, de mieux financer les recherches gynécologiques, comme celles sur l’endométriose, de faire des enjeux de santé environnementale ou de santé mentale des priorités (chapitre 4).

Les actions de candidats et de leurs partis :

Tout au long de leur mandat, les députés Caroline Fiat (LFI), François Ruffin (LFI), ont défendu la transparence et porté une proposition de loi pour mettre en place un pôle public du médicament. Face à une majorité qu’elle a su convaincre mais qui a tout fait pour en réduire la portée, Caroline Fiat a notamment été la principale architecte de l’amendement Transparence adopté deux années de suite au Parlement (dans le PLFSS pour 2020 et le PLFSS pour 2021), première étape de la mise en œuvre de la résolution de l’OMS de 2019 sur la Transparence. Au Parlement européen, les députés Manon Aubry et Manuel Bompard ont été particulièrement actifs en faveur de la levée des barrières de propriété intellectuelle sur les technologies contre le COVID-19. Jean-Luc Mélenchon a multiplié les déclarations en faveur de cette mesure. Pendant la première vague de la crise sanitaire, les députés Mathilde Panot et Danièle Obono ont multiplié les interventions en séances et les questions au gouvernement, sur la disponibilité des tests et des médicaments de réanimation. La sénatrice communiste Laurence Cohen a été l’initiatrice d’une proposition de loi visant à créer un pôle public du médicament et a par ailleurs proposé de nombreux amendements sur la transparence dans les débats sur le PLFSS. Le député PCF Pierre Dharreville a porté lui aussi de nombreux combats, notamment contre les pénuries. Fabien Roussel a multiplié les déclarations en faveur de la levée des barrières de propriété intellectuelle sur les technologies contre le COVID-19, ainsi que les candidats à la présidentielle pour le Parti socialiste, EELV et le NPA. Enfin, le sénateur Bernard Jomier s’est mobilisé autour de la constitution de stocks de sécurité de médicaments.

2- Le programme de la majorité présidentielle ne défend aucune mesure permettant d’améliorer les politiques pharmaceutiques. Au contraire, l’exécutif ou les députés LREM n’ont eu de cesse de combattre tout progrès en la matière pour défendre les intérêts des multinationales du médicament. Voici quelques exemples d’une longue liste :

Début juillet 2019, Emmanuel Macron avait déjà prouvé qu’il sacrifiait la santé aux intérêts des industriels en les recevant à dîner, avec un ordre du jour correspondant à leur seul agenda. Le jour même, la ministre de la santé Agnès Buzyn devait annoncer des mesures contre les pénuries de médicaments, qui étaient très insuffisantes car non contraignantes pour les entreprises que le président de la République recevait.

Député rapporteur du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2020, Olivier Véran s’est opposé en première lecture à l’amendement parlementaire de sa collègue LFI Caroline Fiat en octobre 2019 visant à garantir plus de transparence sur les aides publiques reçues par les entreprises du médicament. Si la mobilisation de la société civile l’a contraint à changer d’avis et à adopter l’amendement, son refus initial a amené le Conseil constitutionnel à invalider l’amendement. Ni la ministre de la santé Agnès Buzyn, ni Olivier Véran quand il a pris sa place en 2020, n’ont compensé cette faute par des mesures réglementaires pourtant possibles, retardant de plusieurs années la mise en œuvre de la résolution de l’OMS sur la transparence.

La majorité LREM a finalement soutenu l’amendement transparence, à l’automne 2020, mais dans une version à la portée réduite par un sous-amendement. Olivier Véran, qui se représente comme député dans l’Isère, a alors mis près d’un an pour mettre en application la mesure par décret.

Les députés LREM se sont opposés à l’Assemblée nationale au projet porté par Caroline Fiat de mettre en place un pôle public du médicament. Candidate à sa réélection en Loire-Atlantique, la députée LREM Audrey Dufeu avait alors repris mot pour mot le discours des firmes pharmaceutiques pour saper ce projet, alors même que la France sortait d’une première vague qui avait vu se multiplier les pénuries de médicaments essentiels et que l’exécutif avait refusé toutes les mesures indispensables, comme la réquisition de lignes de production, pour les combattre.

Le gouvernement d’Emmanuel Macron a confié une grande part de la gestion de la crise du COVID-19 à des cabinets d’audit dont certains avaient déjà pour clients les entreprises du médicament. Cette gestion s’est faite en piétinant les principes de démocratie sanitaire, les acquis de santé publique, en acceptant toujours plus la dépendance envers les firmes, notamment pour la politique vaccinale. Emmanuel Macron s’est opposé à la demande légitime et conforme au droit international de lever les barrières de propriété intellectuelle (Tripswaiver), déposée à l’Organisation Mondiale du Commerce en octobre 2020. Au mépris des scientifiques et de la société civile qui apportaient toutes les preuves de la nécessité et de l’efficacité d’une telle mesure, LREM a ainsi répondu aux attentes des actionnaires de l’industrie pharmaceutique et contribué à creuser les inégalités vaccinales entre pays riches et pays pauvres, permettant au virus de circuler, ce qui favorise l’émergence de variants. En juin 2021, Emmanuel Macron faisait croire à des ONG qu’il soutiendrait enfin la mesure, ce qui a été démenti dans les faits. En décembre 2021, une porte-parole d’En Marche, Prisca Thévenot, aujourd’hui candidate dans les Hauts-de-Seine, s’opposait à la mesure en reprenant le seul discours des multinationales pharmaceutique, déjà débunké, et en vantant l’action de la France pour lutter contre les inégalités mondiales dans l’accès aux vaccins, alors que moins de 5 % des personnes vivant en Afrique avaient alors reçu une première dose.

A l’automne 2020, la majorité LREM s’opposait à des amendements, notamment proposés par le groupe communiste, pour imposer aux industriels des stocks de médicaments essentiels de quatre mois afin d’anticiper des pénuries. C’est notamment le rapporteur du projet de loi de Financement de la Sécurité sociale pour 2021, Thomas Mesnier, qui a émis des avis défavorables à de tels amendements. Ce député se représente en Charente pour la majorité présidentielle.

L’exécutif a soutenu le géant pharmaceutique Sanofi contre les intérêts de santé. Son dirigeant a reçu la légion d’honneur juste après avoir annoncé un énième plan de licenciement. Malgré les échecs, Sanofi a reçu de l’argent public sans contrôle ni conditionnalité pour des recherches sur le vaccins contre le COVID-19. Elle a aussi reçu des aides publiques pour relocaliser une part de la production que les actionnaires avaient sciemment abandonnée pour maximiser leurs profits. En guise de programme pour la présidentielle, fin janvier 2022, Jean Castex annonçait de nouvelles aides publiques, « un plan massif de révinvestissement de Sanofi en France ». LREM promet donc de dédier l’argent public non au sauvetage urgent de l’hôpital public, mais à une multinationale dont les dividendes ont augmenté de 235 % entre 2006 et 2018 et ont atteint 4 milliards d’euros en 2020. Cette augmentation bénéficiant aux actionnaires se fait au détriment des investissements en recherche et en développement (R&D) puisqu’entre 2006 et 2018, la part des bénéfices reversée aux actionnaires est passée de 35,6 à 55,3 %.

3- Le programme du groupe Les Républicains ressemble dans ce domaine à celui de LREM. Les parlementaires LR ont combattu avec la majorité présidentielle des mesures permettant d’améliorer les politiques pharmaceutiques. A l’Assemblée nationale, LR a combattu la proposition de loi de Caroline Fiat visant à instaurer un pôle public du médicament. Majoritaire au sénat, le groupe de droite a sapé le projet équivalent de la sénatrice communiste Laurence Cohen. Les sénateurs LR ont par ailleurs rendu en juin 2021 un rapport sur l’innovation en santé qui a été élaboré sans réelle consultation de la société civile, reprend le seul argumentaire de l’industrie, et ne pose aucune question sur l’utilisation des fonds publics dédiés aux groupes privés, ni sur les conditionnalités nécessaires.

4- Le programme du RN est incompatible avec le droit à la santé.

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1Notamment notre « Check-List de la transparence » et notre rapport sur la relocalisation de la production pharmaceutique remis aux parlementaires européens.

2Outre les maladies orphelines, celles négligées car touchant des populations vivant dans des pays pauvres, on peut aussi citer l’endométriose, la maladie d’ Alzheimer ou encore les multirésistances aux antibiotiques, définies pourtant par l’OMS comme une des pires menaces pour l’humanité. Malgré l’urgence et des aides publiques reçues, le géant pharmaceutique Sanofi a par exemple renoncé aux recherches dans ces deux derniers domaines au milieu des années 2010.

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