Député-es LREM et EDS : élu-es de la Nation ou porte-paroles de Sanofi ?

Publié le 27 mai 2020 Dans la catégorie : Communiqués de presse

Alors que les pénuries de médicaments appellent une réponse urgente, les député-es LREM et EDS ont vidé de sa pertinence une proposition de loi pour les combattre, discutée aujourd’hui en commission.

Les exemples de la dépendance de l’État aux industriels du médicament ne cessent de se multiplier : pénuries de médicaments vitaux ou de réactifs, explosion illégitime des prix de molécules découvertes grâce à l’argent public, annonce de Sanofi de privilégier le marché américain en cas de découverte d’un vaccin, etc.

Plusieurs propositions de loi pour que le public se réapproprie la production des produits santé ont été déposées à l’Assemblée nationale. L’une d’entre elles, défendue par la députée LFI Caroline Fiat, était discutée ce matin en commission des Affaires sociales. Elle étendait le champ d’application, aujourd’hui trop restreint, des licences d’office1La licence d’office (appelée aussi licence obligatoire), permet aux pouvoirs publics d’accorder à une personne tierce le droit de produire un médicament sous brevet. Cela permettrait donc une production publique d’un médicament sous brevet vendu à un prix illégitime, ou pour lequel le détenteur du brevet refuse de nécessaire pour empêcher les pénuries., proposait la création d’un pôle public du médicament et supprimait le Crédit Impôt Recherche (CIR), au cœur d’un véritable jeu de dupe dont bénéficie l’industrie pharmaceutique2En dix ans par exemple, Sanofi a reçu, sans aucun contrôle, 1 milliard 500 millions d’euros au titre du CIR. Dans la même période, le laboratoire a supprimé plus de 2800 postes de recherche et abandonné des pans entiers jugés non rentables, comme Alzheimer..

Soutenue par Les Républicains, le Modem, mais aussi par Aurélien Taché, du groupe supposément nouveau « Écologie, Démocratie, Solidarité », la députée LREM Audrey Dufeu Schubert a vidé le texte de sa substance pour n’en laisser qu’une coquille vide. Le débat a été ponctué par les opposant-es au textes de pesudo-arguments déjà démontés, copiés/collés de la propagande de l’industrie pharmaceutique : il faudrait renforcer l’attractivité (donc financer encore plus publiquement des profits privés, sans aucun impact sur la santé et les pénuries), les prix des médicaments ne seraient pas assez élevés (alors qu’ils explosent, menaçant notre système de santé, alors que Sanofi reverse 4 milliards d’euros de dividendes).

La même mauvaise foi a produit des arguments selon lesquels il fallait une coopération européenne : or le texte ne l’empêche pas, et la majorité qui prend ce prétexte pour s’opposer à ce texte est la même qui ne fait rien pour concrétiser cette coopération. Début avril, ce sont 9 CHU européens, et non leur gouvernement, qui se sont coordonnés pour alerter sur les pénuries. Le gouvernement s’est avéré incapable de la moindre action, pas même de réunir un conseil des ministres sur ce sujet essentiel, malgré nos demandes répétées.

Dans cette foire à l’incompétence et à la complaisance envers les actionnaires de l’industrie pharmaceutique, Audrey Dufeu Schubert et Aurélien Taché ont joué un rôle particulièrement lamentable.

La députée a accumulé les inepties sur les licences d’office ou l’innovation. Elle a ainsi indiqué qu’une reprise par le public de la recherche et de la production faisait courir un risque sur l’innovation. Or, la proposition de loi ne visait pas à freiner l’innovation, mais à empêcher sa réappropriation privée quand elle est financée par le public. Pour qui connaît le dossier, l’innovation aujourd’hui est déjà financée par le public, sous toute forme d’aide, alors même que les profits de l’exploitation sont privatisés. L’exemple d’une thérapie génique vendue par Novartis deux millions d’euros alors qu’elle a été découverte grâce à l’argent du Téléthon et de l’Inserm est le symbole criant d’un système qu’Audreu Dufeu Schubert veut maintenir.

De son côté, Aurélien Taché a rejeté les dispositions les plus fortes du texte et demandé… un rapport sur l’impact des incitations fiscales à la recherche et à la production. Député d’En Marche, il avait pourtant rejeté les amendements sur la transparence discutés en novembre dernier, qui auraient précisément permis de documenter ce qu’il demande aujourd’hui. Demander un rapport quand il faut agir, refuser la transparence sauf quand c’est un prétexte pour refuser les réformes indispensables à une souveraineté du médicament ? Est-cela, la pratique réelle d’un groupe qui a mis en scène son départ d’En Marche pour préparer un « Jour d’après » ?

Le débat en hémicycle aura lieu le 4 juin. Il n’est pas trop tard pour la majorité de changer d’avis, de s’appuyer sur l’expertise de la société civile et non la propagande de l’industrie, de servir les intérêts de tous et non les profits des actionnaires. En l’état actuel, Audrey Dufeu Schubert, Aurélien Taché et les parlementaires qui les ont suivi-es portent une lourde responsabilité dans les pénuries de médicaments à venir, dans le maintien d’un racket qui ruine notre système de santé. Ils et elles devront rendre des comptes à celles et ceux qui en souffrent.


Notes

  • 1
    La licence d’office (appelée aussi licence obligatoire), permet aux pouvoirs publics d’accorder à une personne tierce le droit de produire un médicament sous brevet. Cela permettrait donc une production publique d’un médicament sous brevet vendu à un prix illégitime, ou pour lequel le détenteur du brevet refuse de nécessaire pour empêcher les pénuries.
  • 2
    En dix ans par exemple, Sanofi a reçu, sans aucun contrôle, 1 milliard 500 millions d’euros au titre du CIR. Dans la même période, le laboratoire a supprimé plus de 2800 postes de recherche et abandonné des pans entiers jugés non rentables, comme Alzheimer.
Copy link
Powered by Social Snap