Pénuries de médicaments : OTMeds suspend toute demande d’interview de médias français

Publié le 6 février 2023 Dans la catégorie : Communiqués de presse , , , ,

Les politiques pharmaceutiques sont des questions sérieuses qui nécessitent d’être traitées par l’exécutif, les élus, les agences et les médias notamment avec sérieux. Après trois ans de crise sanitaire, ces derniers mois ont montré une absence totale de rigueur et un amateurisme désespérant sur ces questions. C’est pourquoi nous avons décidé de suspendre dès aujourd’hui et jusqu’à nouvel ordre toute interview non programmée de médias français. Le sujet de l’accès aux médicaments est un sujet sérieux qui mérite d’être traité comme tel et avec un minimum de rigueur et d’expertise. Nous continuerons d’intervenir dans le débat public dès lors que nous le jugerons pertinent.

Depuis sa création en juin 2019, l’Observatoire de la Transparence dans les politiques du médicament (OTMeds) produit une expertise solide, interdisciplinaire, pour documenter les causes des pénuries et proposer des pistes de solutions (voir ci-dessous).

Après avoir minimisé la réalité des pénuries de médicaments et promis en novembre un retour à la normale « avant l’hiver », le ministre de la santé François Braun a annoncé la semaine dernière que des réponses seraient proposées « dans six mois ».

Depuis jeudi 2 février, les médias français dans leur ensemble se sont contentés de relayer l’esquisse de ces annonces :

  • sans s’interroger sur ce délai de 6 mois,
  • sans même s’interroger sur le bilan de ce qui a été fait depuis 6 mois (soit depuis les annonces des premières pénuries d’antibiotiques en Amérique du nord et en Europe) par l’ANSM, la DGS et le ministère lui-même,
  • sans vérifier la pertinence ou l’efficacité des propositions ébauchées,
  • sans noter que certaines reprenaient sans débat les prétentions pourtant contestables des industriels d’augmenter les prix comme seul remède des pénuries de médicaments,
  • sans rappeler qu’aucune évaluation institutionnelle de la feuille de route d’Agnès Buzyn en juillet 2019 n’a été menée depuis son lancement.

OTMeds prend note de l’absence de contre-discours face aux affirmations de l’exécutif et des industriels. OTMeds prend par ailleurs acte de l’amateurisme de l’exécutif, de nombreux médias ou pseudos experts qui s’expriment sur le sujet, qui préfèrent répéter des arguments démontés de longue date plutôt que de se pencher sur une expertise sérieuse — pas uniquement la nôtre — mais celle d’un très grand nombre de chercheurs, nationaux, internationaux, européens, américains, ou des pays à bas et moyens revenus : pharmacologues, juristes, virologues, spécialistes de la santé publique, sociologues, économistes, chercheurs, membres de la société civile, représentants d’associations de patients et experts de ces questions, etc. En continuant d’ignorer des travaux essentiels sur les pénuries de médicament, sur la concentration de la production pharmaceutique en Asie, sur l’accès aux produits de santé compromis par la dynamique d’augmentation des prix, sur le financement majoritairement public de la recherche dite privée, le débat s’enlise dans une complaisance de plus en plus problématique vis-à-vis des institutions publiques pourtant en charge de trouver des solutions pour garantir notre sécurité sanitaire.

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Nos productions

Notre travail est disponible sur le site www.otmeds.org

Rapport, recommandations et enquête

Nous avons publié Combien coûtent nos vies ?, une enquête sur les politiques du médicament, qui rend accessibles ces enjeux.

En 2021, sous le titre Une politique pragmatique au service de la santé, nous avons émis dix recommandations pour garantir une production pharmaceutique à même de garantir la sécurité sanitaire en France et en Europe. Actualisées en février 2022, ces recommandations s’appuient sur l’audition d’une quinzaine d’expert-es et un rapport pour le Parlement européen, intitulé Relocalisation de l’industrie pharmaceutique en Europe et dans les états membres, analysant notamment des modèles de production publique comme celui du Brésil.

Dès 2019, nous avons rendue publique un outil d’aide à la mise en place d’une politique de transparence sur le secteur pharmaceutique permettant la mise en œuvre par les États de la Résolution Transparence adoptée par les États membres de l’OMS. Il s’agit de la Check List de la Transparence sur les médicaments.

En décembre 2021, notre publication Questions / Réponses sur le recours à la dérogation de l’accord ADPIC de l’OMC pour les technologies contre le COVID-19 apportait un éclairage sur la disposition désignée dans le débat public comme étant la « levée des brevets ».

Nos dernières tribunes sur le sujet :

Nous avons publié de nombreuses tribunes d’alerte sur notre dépendance à la Chine ou sur la nécessité pour l’État de reprendre la main sur les politiques du médicament :

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