La destruction des urgences, de l’hôpital public et de notre système de santé, déjà exsangues, est parachevée par un budget de l’Assurance Maladie pour 2021 dans les faits en baisse, l’instauration d’un « forfait patient urgences » ou encore le refus de mettre en place la transparence sur les médicaments.
Le Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale pour 2021 (PLFSS 2021) est présenté demain en Conseil des ministres. La destruction des urgences, de l’hôpital public et de notre système de santé, déjà exsangues, y est parachevée par un budget de l’Assurance Maladie (ONDAM) dans les faits en baisse, l’instauration d’un « forfait patient urgences » ou encore le refus de mettre en place la transparence sur les médicaments.
Un hôpital public exsangue
après 20 ans de mesures d’austérité
Le contexte est dramatique. Les hôpitaux recommencent à être saturés, risquant de confronter à nouveau à très court terme les équipes soignantes à des dilemmes impossibles quant à l’accueil des patient-es. En 6 mois, aucune leçon n’a été tirée par le gouvernement des erreurs commises au début de la crise sanitaire.
Olivier Véran et le gouvernement portent une lourde responsabilité dans la destruction de l’hôpital public et des urgences. Rapporteur général du budget de la Sécurité sociale jusqu’à 2019, Olivier Véran a défendu pendant trois ans des budgets d’austérité accélérant la destruction de l’hôpital public (moins 1,4 milliard d’euros en 2018 !). Il a ainsi soutenu sans réserve la politique dogmatique du gouvernement et ses conséquences sur les conditions de travail des personnels soignants et sur l’accès aux soins.
Cette politique met nos vies en danger. Inscrite dans la suite logique de 20 ans de mesures d’austérité1Entre 2003 et 2016, 64 000 lits ont été supprimés, soit 13 % du total, pendant qu’en parallèle, on assistait à une augmentation de 26 000 lits en hospitalisation partielle / Le nombre de prise en charge aux urgences a doublé en 20 ans, passant, de 10 à 20 millions / De 2005 à 2009, l’activité hospitalière a augmenté de 11 % quand l’emploi, lui, n’a augmenté que de 4 % / De 2011 à 2016, les emplois, toutes activités confondues, ont augmenté de 2,3 % alors que le nombre total de séjours a augmenté lui de 3,5 %, le nombre de séance (radio-ou chimiothérapies, dialyse, etc.) de 13,1 % et le nombre de passage aux urgences de 12,6 %., elle a mis en grève pendant plus d’un an les personnels hospitaliers et urgentistes, qui dénonçaient les conséquences sur l’hôpital public et plus généralement notre système de santé solidaire. Le personnel paramédical fuit, les arrêts maladie explosent, illustrant la souffrance au travail, et ni le surtaux de suicides des personnels, ni la médiatisation des conditions d’accueil scandaleuses n’entraînent une prise de conscience de la part du gouvernement.
Baisse des moyens pour les hôpitaux
et de la capacité de soins
Dans le PLFSS pour 2021 présenté demain en conseil des ministres, l’ONDAM (Objectif national des dépenses d’assurance maladie) est gonflé par la revalorisation salariale ; mais cette revalorisation ne compense même pas le gel du pouvoir d’achat des fonctionnaires et notamment des soignants hospitaliers.
Une fois cette revalorisation mise de côté, l’ONDAM est dans les faits au plus bas, ce qui signifie que les moyens pour les hôpitaux et la capacité de soins baisse encore. Les « mesurettes » instaurées dans le « Ségur de la santé » rattrapent donc à peine la perte de pouvoir d’achat gelé des hospitaliers, et servent à masquer une diminution des dépenses ailleurs.
Destruction des urgences et
augmentation des « pertes de chances »
Les urgences sont quant à elles dans un état particulièrement inquiétant. La seule mesure censée réduire l’engorgement est la fixation d’un forfait patient pris en charge par les complémentaires, y compris pour les personnes qui étaient exonérées du ticket modérateur. Cela revient à un transfert encore plus systématique des dépenses sur le privé, le renforcement des logiques individuelles des assureurs contre le système de solidarité de la Sécurité sociale.
Pire, cette réforme de la tarification des urgences va décourager des personnes à les solliciter – l’objectif affiché est bien de désengorger ces services – alors qu’elles sont souvent devenues le premier recours du fait même des déserts médicaux et des insuffisances de la médecine de ville. Là où il faudrait des budgets conséquents, une réforme d’ampleur de l’hospitalo-centrisme et de l’articulation médecine de ville / médecine hospitalière / santé publique, Olivier Véran ne propose qu’une mesure qui s’apparentera à une pénalité financière, décourageant les personnes de les solliciter, alors que leur vie en dépend peut-être.
L’actuel ministre rendra-t-il des comptes sur les pertes de chance que sa politique ne manquera pas de provoquer ? Il ne pourra en tout cas plaider ni l’ignorance, ni l’impuissance. Olivier Véran sait où trouver l’argent disponible, mais refuse de le chercher.
Refus de la transparence et
défense du lobby pharmaceutique
Depuis qu’il est ministre, il a en effet la possibilité de faire, par décret, toute la transparence sur les subventions publiques à la recherche octroyées aux grandes entreprises du médicament.
De telles informations seraient utiles pour évaluer la pertinence des prix qu’elles imposent à des produits qui ont en fait été découverts grâce à de l’argent public. Le régulateur aurait plus de pouvoir pour négocier les prix. Des milliards d’euros pourraient ainsi être pris des profits illégitimes que font les firmes pharmaceutiques pour être réorientés dans le financement de l’hôpital, des urgences et du système de soins. En refusant une telle mesure, Olivier Véran affiche clairement que pour lui, « l’argent magique » existe pour une poignée d’actionnaires, mais pas pour un service public hospitalier de qualité et accessible à tous.
Comme l’année dernière, notre Observatoire a proposé aux député-es divers amendements sur la transparence : transparence pour lutter contre les pénuries de médicaments, transparence pour développer une meilleure politique de tests dans le pays et transparence pour une meilleure utilisation des financements publics à la recherche et au développement et pour que notre système d’Assurance maladie ne paie pas deux fois, ou plus, pour les mêmes médicaments et produits de santé.
Depuis qu’il est ministre, incapable de prendre la mesure des dégâts liés à l’austérité, Olivier Véran, comme Agnès Buzyn avant lui, refuse de se battre pour des moyens supplémentaires nécessaires à un accueil digne et efficace à l’hôpital. L’absence de geste budgétaire fort a fait augmenter les pertes de chances et dégradé la prise en charge des patient-es vivant avec des pathologies lourdes en les éloignant de l’hôpital pendant le confinement. La diminution de fait de l’ONDAM, l’instauration du forfait patient pour les urgences et le refus de faire la transparence sur toute la chaine du médicament vont porter un coup fatal à notre système de santé, et sont autant de mesures indignes d’un ministre de la santé.
Notes
- 1Entre 2003 et 2016, 64 000 lits ont été supprimés, soit 13 % du total, pendant qu’en parallèle, on assistait à une augmentation de 26 000 lits en hospitalisation partielle / Le nombre de prise en charge aux urgences a doublé en 20 ans, passant, de 10 à 20 millions / De 2005 à 2009, l’activité hospitalière a augmenté de 11 % quand l’emploi, lui, n’a augmenté que de 4 % / De 2011 à 2016, les emplois, toutes activités confondues, ont augmenté de 2,3 % alors que le nombre total de séjours a augmenté lui de 3,5 %, le nombre de séance (radio-ou chimiothérapies, dialyse, etc.) de 13,1 % et le nombre de passage aux urgences de 12,6 %.