Ce mardi 2 avril 2024, l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament (OTMeds) publie une étude sur la disponibilité des insulines en France au premier trimestre 2023. Cette enquête, réalisée du 28 mars au 13 avril 2023 grâce aux retours d’une vingtaine de répondant-es, visait à évaluer la disponibilité en pharmacie de cette hormone vitale, à vérifier l’hypothèse d’une sous-estimation des indisponibilités des insulines et à témoigner de leurs conséquences sur la qualité de vie des personnes vivant avec un diabète de type 1 qui les subissent.
Hana Francioni porte-parole d’OTMeds et coordinatrice de l’enquête explique la démarche : « En tant que personne atteinte de diabète insulino-dépendant, je me suis préoccupée de l’ampleur des pénuries de produits de santé touchant toutes les classes thérapeutiques. Cette inquiétude m’a poussée à enquêter sur la disponibilité de l’insuline en France. À plusieurs reprises, ma pharmacie habituelle m’a informée des difficultés d’approvisionnement concernant certaines insulines pendant cette période. En croisant ces témoignages avec les données de l’ANSM, obtenues grâce à une enquête menée avec OTMeds, nous avons constaté que certaines insulines ne figuraient pas dans les signalements officiels de pénuries. Afin de confirmer la réalité de ce phénomène, nous avons entrepris une enquête par questionnaire auprès de personnes souffrant de diabète insulino-dépendant. »
Pour Jérôme Martin, co-fondateur d’OTMeds : « S’il ne s’agit pas d’une enquête de grande ampleur, elle nous permet de confirmer que la disponibilité de traitements quotidien et vitaux est régulièrement mise à mal par les ruptures en France, ce que nous savions déjà. Mais surtout, que cela peut être le cas même lorsque le médicament en question n’est pas listé comme tel sur le site de l’ANSM. »
Pour Pauline Londeix, co-fondatrice d’OTMeds, « les autorités sanitaires semblent toujours en retard d’un wagon lorsqu’il faut lister un médicament en tension ou en rupture, et souvent le mal est déjà fait pour les personnes qui n’ont pas pu s’approvisionner. Cette enquête est une invitation à ce que les pouvoirs publics mettent en place d’autres systèmes de veille, en temps réel, fondé sur l’expérience des usagers, dans les pharmacies. »
Hana Francioni continue : « Face à la croissance exponentielle des pénuries à l’échelle nationale et internationale, il devient impératif de mettre en place un système d’alerte réactif, notamment pour des traitements quotidiens et vitaux comme l’insuline. Plus ces pénuries augmentent, plus les conséquences et l’angoisse croissent pour les personnes atteintes de diabète de type 1. Cette étude souligne l’urgente nécessité d’une politique coordonnée avec les différents acteurs publics et de la chaîne du médicament. »
« Ce travail de l’OTMeds est remarquable et nécessaire, affirme Bertrand Burgalat, président de l’association Diabète et Méchant. Pour les diabétiques insulinodépendants l’approvisionnement en insuline est une question de vie ou de mort : trois fabricants contrôlent 90% de sa fabrication et de sa commercialisation dans le monde, ils en privent, par leurs marges injustifiées (de 1000 à 3000% selon les pays), la moitié des patients de la planète. En France, cette Affection de Longue Durée, remboursée à 100%, est une rente, et les stocks une variable d’ajustement, le dévoiement de l’ALD, c’est celui-là. »
En conclusion de cette enquête, OTMeds synthétise les constats réalisés par différents acteurs auditionnés dans le cadre de la commission d’enquête du Sénat sur la pénurie de médicaments et les choix de l’industrie pharmaceutique (premier semestre 2023). OTMeds publie par ailleurs un ensemble de recommandations. Elles visent à
- permettre aux usagers et usagères de signaler les médicaments qu’ils n’ont pas pu se procurer directement en pharmacies ;
- permettre aux autorités sanitaires d’agir en amont d’une pénurie quand des problèmes de disponibilité sont déjà signalés dans d’autres pays ;
- évaluer par des études inter-disciplinaires, l’impact des pénuries sur la santé des personnes, la santé publique et les dépenses publiques ;
- répondre aux causes structurelles des pénuries par la mise en place d’une production publique de médicaments.