Jamais Emmanuel Macron n’a confronté le dogmatisme de ses choix politiques en matière pharmaceutique au désastre sanitaire et économique qu’elles ont entrainé. C’est encore le cas avec les annonces de ce jour :
- Aucun progrès dans la transparence n’est annoncé, Emmanuel Macron refuse d’orienter les politiques pharmaceutiques sur des éléments rationnels ;
- Aucune production publique n’est annoncée, les aides publiques à la relocalisation ne semblent pas conditionnées, Emmanuel Macron continue donc de faire des chèques en blanc à des groupes privés, qui sont pourtant directement responsables de la situation et de la délocalisation ;
- Emmanuel Macron se dit prêt à payer plus chers les médicaments alors qu’il refuse de faire la transparence sur ce qui constitue ces prix et que les pénuries de médicaments frappent les pays où les médicaments sont plus chers, comme en Suisse (où les médicaments sont 48 % plus onéreux que la moyenne des pays européens) ;
- Emmanuel Macron refuse de sortir le médicament des logiques de marché, de profit et de propriété intellectuelle ;
- Ses annonces n’ont rien de concret, 25 médicaments seulement sont concernés (puis 50 dans un délai très vague) alors que liste critique que le président annonce en compte 450, que celle des médicaments essentiels de l’OMS en compte 577, que la liste française des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur en compte 422. De plus, le président est resté flou sur la production de principes actifs ;
- Contre les pénuries, il a rappelé des évidences sur la prévention ou la vaccination, qui évitent ensuite de consommer des médicaments. Or, sa politique budgétaire et son refus de tout principe de santé publique contredisent dans les faits ces belles paroles.
Comme l’a indiqué Pauline Londeix, co-fondatrice d’OTMeds, sur France Info ce mardi matin : « 538 pénuries ont été signalées à l’agence du médicament en 2017 quand Emmanuel Macron a pris la présidence contre plus de 3000 début 2023. Le storytelling du président a atteint ses limites. »
En 6 ans de mandat d’Emmanuel Macron :
- les pénuries de médicaments essentiels ont sextuplé ;
- tensions et ruptures ont été sans cesse minimisées, les réactions n’ont jamais été assez rapides ni à la hauteur des enjeux ;
- la production des principes actifs a continué d’être délocalisée, rendant vulnérable le reste de la chaine du médicament ;
- les produits de santé ont toujours été traités par l’exécutif comme un bien de consommation comme les autres, soumis aux seules lois du marché ;
- les prix de traitements dits innovants n’ont cessé de monter, pouvant atteindre des sommes de plusieurs millions d’euros alors qu’ils ont été développés avec des fonds publics. Cela met en danger la survie de notre système de santé ;
- la résolution transparence adoptée en 2019 à l’Assemblée Mondiale de la Santé par l’ensemble des États-membres, dont la France, n’a pas été effectivement mise en œuvre dans notre pays ;
- les choix stratégiques ont été confiés exclusivement au secteur privé, compagnies pharmaceutiques ou cabinets d’audit, les liens d’intérêt entretenus, les administrations asséchées, la société civile exclue de toute consultation sur les décisions industrielles. Toute décision politique indépendante des intérêts privés semble empêchée.
Il y a urgence, a insisté Pauline Londeix ce matin sur France Info : « Depuis le début de la guerre en Ukraine, nous alertons sur les risques géopolitiques à dépendre de la Chine et de l’Inde en matière de production de principes actifs. Il est urgent de sortir de cette dépendance pour assurer notre sécurité sanitaire ». Les énièmes effets d’annonce du président ne vont pas dans ce sens et nous mettent en danger.
Plus que jamais, nous avons besoin :
- de faire la transparence sur l’ensemble des politiques du médicament, en rendant disponibles des informations permettant de guider rationnellement les politiques et les dépenses de santé1 ;
- de sortir les médicaments et les produits de santé des logiques de marché, de profit et de propriété intellectuelle ;
- de faire baisser les prix exorbitants et illégitimes des dites innovations thérapeutiques ;
- d’établir une production locale au moins en partie publique, tout particulièrement des principes actifs, coordonnée au niveau européen ;
- de lutter sans concession contre les conflits d’intérêts et pour une fonction publique bien formée et indépendante sur les enjeux pharmaceutiques2.
1Voir notre check-list de la transparence :
2Retrouvez nos analyses et recommandations dans notre rapport sur la relocalisation de la production pharmaceutique, réalisée pour le Parlement européen en février 2022 :