Vaccins Covid :
8 leçons à retenir de 2021

Publié le 8 décembre 2021 Dans la catégorie : Publications , , ,

Alors que l’Europe entre dans une cinquième vague du Covid et que le monde assiste à l’émergence d’un nouveau variant, OTMeds publie 8 leçons à retenir en 2021 pour 2022. Nous appelons les gouvernements à mettre en place au plus vite la transparence dans les politiques du médicament et à permettre une production de vaccins contre le Covid dans les pays en développement.


01. Si l’accès n’est pas favorisé partout, les variants continueront d’émerger

Le 26 novembre, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a qualifié de « préoccupant » le variant B.1.1.529, dit « Omicron », identifié pour la première fois par les scientifiques sud-africains sur un échantillon collecté le 9 novembre. Les données actuellement disponibles suggèrent notamment un risque accru de réinfection. Il faudra encore du temps aux scientifiques pour déterminer les caractéristiques de ce nouveau variant, et notamment l’action des vaccins existants contre celui-ci.

  1. [EN] The New York Times (December 2021), « Fragmented reactions hinder global fight against Omicron variant »
  2. [FR] Le Monde (novembre 2021), tribune « L’accès aux vaccins pour tous est une question d’éthique et de sécurité sanitaire mondiale »
  3. [FR] France Inter (novembre 2021) : « Pauline Londeix : « Si on ne permet pas un large accès à la vaccination, on aura des nouveaux variants » » 
  4. [FR] France Info (novembre 2021) : « Pauline Londeix et Bruno Canard sur France Info le 29.11.21 »

02. Les initiatives volontaires sont un échec

Les initiatives volontaires, d’accès aux vaccins pour les pays en développement, dont l’initiative Covax, ont échoué. A l’automne 2021, seules 3,9% des populations des pays à bas revenus et moins de 50% de la population mondiale avaient reçu une première dose d’un vaccin. Un pays comme la Suède avait reçu 9 fois plus de doses de la part du laboratoire Pfizer que l’ensemble des pays à bas revenus réunis. Nous le répétons depuis des mois : la stratégie de sortie de crise ne peut reposer sur le seul bon vouloir de firmes pharmaceutiques orientées par la maximisation des profits, puisqu’elles sont cotées en bourse. Les États ne peuvent laisser les multinationales pharmaceutiques mener la politique vaccinale mondiale.

  1. [FR] France Culture, Les enjeux internationaux » (février 2021) « Accès aux vaccins : comment imposer aux pays riches d’en laisser aux autres ? »

03. L’approche concurrentielle en matière de R&D a montré des limites très importantes

En matière de recherche et développement (R&D) sur des produits pharmaceutiques, adopter des logiques purement concurrentielles nous semble problématique. C’est pourtant ce qu’ont favorisés les États depuis mars 2020, à la fois pour des raisons pseudo pragmatiques (la concertation aurait fait perdre du temps) mais aussi pour des raisons de concurrence géostratégique et commerciale. C’est ce qui a poussé la firme Sanofi à abandonner son candidat vaccin en septembre 2021 alors que celui-ci était pourtant prometteur. Son arrivée, tardive, par rapport à Moderna et Pfizer, n’aurait pas permis à Sanofi de réaliser suffisamment de profits. Pourtant, de nombreuses ressources publiques ont été investies pour le développement de ce candidat vaccin et bien d’autres. Le « Vaccine tracker » du New York Times indiquait ainsi le 3 décembre dernier, qu’au total 110 candidat vaccins étaient étudiés.

Ces recherches sont financées par beaucoup d’argent public, et beaucoup de risques liés à ces recherches ont été absorbés par les États. Des volontaires ont été mobilisés pour les dernières phases d’essais cliniques. Il est dès lors inéthique d’abandonner les recherches sur ces candidats sous prétexte que les candidats ne seraient plus suffisamment prometteurs sur le seul plan financier par rapport aux vaccins déjà existants. Cet état de fait, montre bien les limites d’un modèle concurrentiel boosté par énormément de fonds publics, mais dont les profits irriguent surtout les firmes Moderna et Pfizer, sans permettre un accès aux vaccins partout et une sortie de crise.

  1. [FR] Le Monde, Tribune, Septembre 2020, Pauline Londeix, Jérôme Martin et Els Torreele : « La course au vaccin peut compromettre toute réponse adéquate à la pandémie »
  2. [FR] France Culture, Débats, Août 2020, Antoine Flahault, Els Torreele et Pauline Londeix : « Covid-19 : quels seront les gagnants de la course au vaccin ?
  3. [FR] AFP, Septembre 2021, « Sanofi arrête le développement de son vaccin à ARN messager contre le Covid-19 »
  4. [EN]  France 24, October 2020 : « The race for a Covid-19 vaccine: Are lives at risk as countries try to find a quick fix? »
  5. [EN] France 24, November 2020 : « The real vaccine? Pfizer claims its drug is 90% effective against Covid-19 »

04. Les dons de doses aux pays pauvres et une approche complètement verticale ne fonctionnent pas

Le 8 décembre, Reuters annonçait que le Nigeria avait jeté 1 million de doses de vaccins contre le COVID. Et indiquait que ces doses de vaccins AstraZeneca étaient arrivées au Nigeria sur le point de périmer. Les stratégies de vaccinations de masse sont complexes et les pays riches en font l’expérience, pourtant ils demandent aux pays pauvres d’organiser les leurs en fonction d’arrivées de doses aléatoires et dans des délais très courts. L’organisation de la vaccination dans ces pays continuera d’échouer si elle demeure à ce point verticale. Les pays en développement doivent être autorisés à produire des vaccins et mettre en place des campagnes de vaccination.

  1.  Dans une tribune pour Le Monde, aux côtés notamment de Thomas Piketty et Cynthia Fleury, nous le dénoncions déjà en janvier 2021, « Il faut assurer à l’Afrique un accès aux vaccins ».

05. L’accélération de la vaccination doit s’accompagner de campagnes et tous les autres outils doivent continuer à être utilisés pour toucher les hésitants

Dans les pays riches, les campagnes de vaccination ont pu être freinées par les inégalités en santé et la défiance vaccinale. Les premières doivent être combattues par des politiques sociales et des stratégies d’aller vers. La défiance vaccinale peut être réduite par des campagnes d’information pédagogiques, qui ne traitent pas les personnes par le mépris, qui évoquent ce que peuvent et ne peuvent pas les vaccins existants, qui tiennent compte des peurs pour y répondre au mieux. Les données en santé publique montrent que la seule contrainte, passe sanitaire ou obligation vaccinale, ne suffit pas, et est parfois contre-productive à terme quand elle s’accompagne, comme ce fut le cas en France cet été, de communication gouvernementale promettant un retour à la normale, niant l’importance de conserver le masque ou les gestes-barrières. L’adhésion vaccinale, enjeu essentiel au vu de la durée limitée d’efficacité des vaccins existants, ne se construira qu’en suivant les principes de politiques de santé publique et de démocratie sanitaire. La promotion des masques et des gestes barrières ne doit pas être oubliée. Des masques FFP2 doivent être distribués gratuitement, notamment aux personnes les plus fragiles.

  1. [FR] L’Humanité, décembre 2021 : « Covid-19. Et maintenant, doit-on recourir à l’obligation vaccinale ? #1 »
  2. [FR] France Info, décembre 2020 : « Covid-19 : « Pour réussir sa campagne vaccinale, le gouvernement doit tout dire », estime l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament »
  3. [FR]  Basta Mag, juillet 2021 : Interview de Jérôme Martin : « Considérer que ceux qui ne se font pas vacciner sont forcément anti-vaccins est une grosse erreur »
  4. [IT] Caffe dei Giornalisti, dicembre 2020: “Francia, il ruolo dell’informazione sul covid: vizi e virtù dei media sui vaccini »

6. Les pays du sud doivent pouvoir produire des vaccins

Les pays en développement doivent être autorisés à produire des vaccins, comme ils le demandent depuis un an auprès de l’Organisation Mondiale du Commerce. Les visions caricaturales qui prétendent qu’ils ne disposent pas des infrastructures nécessaires pour cela ne résistent pas à l’épreuve de la réalité : la plupart des médicaments et vaccins utilisés en Europe sont à ce jour produits dans des pays en développement. Si la production de vaccins à ARNm est nouvelle, elle l’est également pour des producteurs de pays européens, qui n’avaient aucune expérience en la matière et qui ont bénéficié de transferts de technologies de la part de Pfizer et Moderna.

  1. [FR] Interview, Mediapart, mai 2020 : « Brevets des vaccins: «Plus de six mois ont été perdus»
  2. [FR]  Le Monde, mai 2021 : « Covid-19 : « La levée des brevets sur les vaccins n’est  pas une posture, c’est la seule voie possible »
  3. [FR] Le Monde, juillet 2021 : « Seule une réponse mondiale coordonnée pourra mettre fin à la pandémie de Covid-19 »
  4. [IT] Internazionale, Maggio 2021: “Battaglia sui brevetti dei vaccini e le altre notizie sul virus »
  5. [IT] Domani, Op’ed, novembre 2021: « A fine mese la Commissione Ue ha una chance imperdibile per mostrare buon senso sui vaccini »

07. La transparence doit être faite sur les contrats signés entre les firmes et les États, dont la commission européenne

La transparence doit être mise en place sur toute la chaine du médicament et des produits de santé, et également sur les vaccins utilisés contre le COVID. Les contrats signés entre les États et les firmes doivent être publiés. Les États qui ont contribué par milliards de dollars au développement des vaccins, doivent dès à présent et pour tous les futurs contrats imposer différentes clauses, notamment : imposer un prix maximum de vente (aujourd’hui Moderna et Pfizer ont la possibilité d’augmenter unilatéralement le prix de leur vaccin), fondé sur des éléments rationnels qui doivent être transparents (investissement réel des firmes, aides publiques de l’État, coût de production, etc.), imposer une mise à disposition de ces vaccins dans les pays en développement, imposer un transfert de technologie obligatoire à des producteurs tiers désireux de fabriquer ces vaccins à ARNm. Ces producteurs, si cette mesure est accompagnée d’une levée des droits de propriété intellectuelle, ont la possibilité de produire ces vaccins. Comme ce fut le cas dans la lutte contre le VIH, la tuberculose, les hépatites virales, la concurrence par des producteurs de génériques est essentielle pour permettre un accès plus large aux produits de santé. 

Les contrats signés avec les firmes doivent par ailleurs être rendus publics. Il n’est pas acceptable que les parlementaires européens, par exemple, n’y aient un accès que très limité. Cela pose des questions démocratiques majeures.

  1. [FR] France Info, février 2021, Interview de Pauline Londeix : “Stratégie de production vaccinale en Europe: « nous faisons les frais de l’opacité » »
  2. [FR] La Croix, février 2021, « Retards de livraison des vaccins : qu’a obtenu l’Union européenne des laboratoires ? »
  3. [IT] Domani, novembre 2021 : « Vaccino Covid, l’Europa nasconde i contratti sulle dosi vendute da Big Pharma »
  4. [IT]  Domani, ottobre 2021 : « La trasparenza è l’antidoto all’aumento dei prezzi di farmaci e vaccini. L’Italia ha un ruolo chiave »

08. Conclusion : les États doivent reprendre la main sur la chaine du médicament, des tests et des produits de santé et ne pas répéter les erreurs sur les nouveaux contrats

En 2021, les États ont continué de faire ce qu’ils faisaient depuis longtemps : dépendre entièrement ou presque, du bon vouloir des firmes pharmaceutiques pour décider des stratégies de santé, et campagnes vaccinales. Ce n’est pas acceptable. En mai 2019, les États membres de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) s’étaient engagés à mettre en œuvre toute la transparence sur la chaine du médicament, conscients que la pérennité des systèmes de santé et l’accès pour les populations en dépendaient. Cette transparence, si elle avait été mise en œuvre plus tôt par les États, aurait permis une gestion de la crise toute autre. En 2022, les États doivent reprendre la main, permettre un accès de tous aux vaccins du COVID, cela passe notamment par une levée des brevets à l’OMC, par l’obligation pour les firmes de partager leur technologie, par la transparence sur la chaine du médicament, et par une collaboration avec les pays en développement pour mettre un terme à une approche uniquement verticale du nord vers le sud inefficace.

Les firmes ayant mis sur le marché des vaccins à ARNm l’avaient promis, elles sauraient s’adapter rapidement à l’arrivée de nouveaux variants. Pfizer annonce aujourd’hui qu’il faudrait désormais trois doses de vaccins pour une efficacité contre le variant omicron. Dans les nouveaux contrats qui seront signés avec les firmes, des conditionnalités doivent être incluses, et les erreurs commises ne doivent pas être répétées.

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