La situation et ses conséquences actuelles :
Notre observatoire alerte sur les conséquences des ruptures et pénuries de médicaments qui touchent notre pays. Ces ruptures de médicaments essentiels, notamment d’antibiotiques, pourraient avoir des conséquences dramatiques. D’une manière générale, ces ruptures et pénuries multiplient les barrières à l’accès aux soins et font augmenter les pertes de chance1,2.
Concrètement, elles empêchent les prescripteurs d’effectuer au mieux leur travail, elles limitent la capacité des pharmacies à délivrer ces médicaments, ce qui se traduit par des entraves à l’accès aux soins pour les personnes. Ces dernières doivent soit recourir à d’autres médicaments, et à des solutions sous-optimales, soit se tourner vers d’autres pharmacies, ce qui n’est pas toujours possible, par exemple dans des zones rurales.
Soignants et associations de patients doivent consacrer des moyens et du temps à gérer ces pénuries, à informer des alternatives et des changements éventuels de dosage ou de mode d’administration. Le recours à des alternatives peut créer un effet dominos et entrainer des tensions et pénuries sur des médicaments de même classe thérapeutique. Dans le cas des antibiotiques, l’extension d’usage de certaines molécules pour compenser les pénuries augmente les risques de résistance.
On note des pénuries et tensions en constante augmentation depuis 10 ans. Elles touchent à ce jour entre 2000 et 3000 médicaments en France, et dans les pays européens voisins, ce qui rend quasiment nulles les chances d’importation des médicaments manquants.
Elles sont inacceptables et incompréhensibles dans la septième puissance économique mondiale qui revendique être dotée d’un secteur pharmaceutique fort.
Les risques à court et moyen termes liés aux facteurs géopolitiques et à la crise de l’énergie
La situation géopolitique mondiale a des répercussions sur la production pharmaceutique et la disponibilité de médicaments essentiels. Nous le dénonçons depuis des années, et nous avons intensifié nos alertes depuis mars dernier, et l’invasion russe en Ukraine3. Alors que nous dépendons à plus de 80% des principes actifs pharmaceutiques produits en Chine et en Inde, les répercussions de cette crise sur le prix de l’énergie sont nombreuses. Les matières premières sont touchées de plein fouet par la crise de l’énergie. Ces risques sont connus de tous depuis l’invasion russe en Ukraine.
Par ailleurs, ce qui se passe en Chine doit absolument nous alerter :
- La politique zéro covid et les manifestations qui y sont liées pourraient avoir des conséquences sur les sites de production pharmaceutique.
- La nouvelle stratégie du parti communiste chinois, en matière de production et de sous-traitance, pourrait également avoir un impact sur les sites de productions de principes actifs pharmaceutiques
- Les tensions entre la Chine et Taïwan pourraient avoir des répercussions majeures en cas d’escalade de la situation.
L’interruption de la production pendant un mois en Chine et la fermeture des exportations de certains médicaments par l’Inde début 2020 avaient eu des répercussions directes et majeures dans les hôpitaux français, montrant la fragilité de la chaine pharmaceutique.
Nos questions sur l’action gouvernementale depuis deux ans :
Quelles leçons ont été tirées des deux dernières années ? Il est du devoir de l’État de garantir la sécurité sanitaire de sa population. C’est pourquoi, nous demandons ce qui a été fait afin de :
- Mettre en place un plan de réindustrialisation principalement public du médicament en France, et hors de la loi de l’offre et de la demande. Celle-ci fragilise la chaine d’approvisionnement, et la rend particulièrement vulnérable aux contingences extérieures :
- Développer la production de principes actifs pharmaceutiques en France, au-delà du seul paracétamol (il y a plus de 422 médicaments à intérêt thérapeutique majeur) ;
- Se coordonner avec les partenaires européens dans cette production et relocalisation.
Face à une situation dramatique, à des conséquences qui pourraient être terribles pour les personnes, nous demandons en urgence :
- Une communication claire et concrète de l’exécutif sur ce qui a été mis en place depuis mars 2020 et les déclarations du président de la République sur le médicament comme bien public.
- La mise en place de commissions d’enquêtes parlementaires sur la relocalisation de la production pharmaceutique, une évaluation des actions menées par l’Exécutif depuis mars 2020, puis depuis l’invasion russe en Ukraine et son impact sur le secteur de l’énergie.
Pour aller plus loin :
1 Nos productions sur le sujet
– Combien coûtent nos vies, par Pauline Londeix et Jérôme Martin, chapitre 2 « Quand nos médicaments viennent à manquer » (éditions 10/18)
– Rapport pour le parlement européen : « relocaliser la production pharmaceutique en Europe et dans les États membres » (OTMeds, mars 2022)
https://otmeds.org/wp-content/uploads/2022/02/otmeds_rapport_2022_FR.pdf
– Le Monde : « L’État doit reprendre la main sur les politiques du médicament, nos vies en dépendent », Pauline Londeix et Jérôme Martin, septembre 2022
– Le Monde : « La situation internationale nous impose de poser les bases d’une production française de médicaments », Pauline Londeix et Jérôme Martin, mars 2022
– Libération : « Médicaments : la planification sanitaire que nous voulons », Hugues Charbonneau, Pauline Londeix, Jérôme Martin, avril 2020
2 OTMeds dans les médias sur les pénuries et la production
- Interview de Pauline Londeix sur BFM / RMC le vendredi 18 novembre :
- Interview de Pauline Londeix sur France Info le 18 novembre :
- Interview de Pauline Londeix sur France Info TV le vendredi 18 novembre.
- Interview de Pauline Londeix sur la matinale de France Inter le mardi 22 novembre.
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1 France Asso Santé, « Pénurie de vaccins et de médicaments : les inquiétudes de France Assos Santé confirmées par une enquête exclusive », 2019
2https://www.ligue-cancer.net/article/59750_penurie-de-medicaments
3https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/03/04/la-situation-internationale-nous-impose-de-poser-les-bases-d-une-production-francaise-de-medicaments_6116077_3232.html