L’adoption cette nuit par l’Assemblée nationale d’un amendement faisant la transparence sur les contributions publiques à la recherche sur les médicaments, dans le cadre du PLFSS pour 2021 est une avancée à la fois historique, et insuffisante : d’autres mesures de transparence indispensables ont été rejetées, l’amendement a été édulcoré et la France a déjà perdu un an pour l’appliquer.
L’Assemblée nationale a adopté cette nuit en deuxième lecture le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 (PLFSS 2021), qui acte de nouvelles mesures d’austérité sur l’hôpital public et l’Assurance maladie, et qui fait de nouvelles concessions aux industriels du médicament. L’Assemblée nationale s’est notamment montrée incapable de voter un amendement pour lutter contre les pénuries de médicaments, le même amendement qui avait été adopté par le Sénat la semaine dernière. Les parlementaires passent donc complètement à côté des enjeux que traverse notre pays en matière de santé et de politiques publiques.
Dans ce contexte, l’adoption d’un amendement sur la transparence est une avancée à la fois historique et insuffisante. Cet amendement demande aux firmes pharmaceutiques de dévoiler les financements publics reçus dans le processus de développement d’un médicament. Il est historique car il constitue un petit pas dans la mise en œuvre en France de la résolution sur la transparence adoptée par les Etats membres de l’OMS en mai 2019.
Mais il est insuffisant et montre par contraste le chemin qui reste à parcourir dans la mise en œuvre de la transparence :
- L’amendement en question, dans une version plus ambitieuse, inspiré par le travail de notre observatoire, avait été adopté par les deux chambres avant d’être invalidé par le Conseil constitutionnel fin décembre 2019. Le rapporteur, alors Olivier Véran, et le gouvernement avait refusé de soutenir cette mesure en première lecture à l’Assemblée nationale, puis avaient changé d’avis en deuxième lecture. Ce vote tardif avait conduit le Conseil constitutionnel à censurer la mesure. Depuis, le gouvernement, y compris le nouveau ministre de la santé Olivier Véran, auraient pu et dû avancer par voie de décret mais ils ont refusé de le faire, refusant de répondre aux questions qui leur était posée à ce sujet, notamment par la députée Caroline Fiat. Ils ont ainsi fait perdre à la France une précieuse année dans la mise en œuvre de la résolution transparence. Nos voisins italiens ont réussi à la mettre en place, par décret, de façon beaucoup plus cohérente et ambitieuse.
- L’année qui a été perdue et la crise sanitaire que nous traversons, auraient dû pousser les parlementaires et le gouvernement à mettre en place la transparence sur l’ensemble de la chaine du médicament, et pas uniquement sur l’amendement adopté l’année dernière.L’amendement en 2019 était déjà le fruit d’un consensus entre Olivier Véran alors rapporteur du PLFSS pour 2020 et la députée Caroline Fiat, qui mettaient de côté des informations importantes qu’il est nécessaire d’avoir sur toute la chaine du médicament. Celui de cette année est une version édulcorée par un sous-amendement. De plus, ont été refusés de nombreux amendements qui le complétaient. Ils demandaient notamment de faire la lumière sur l’origine de la matière première, les prix, les marges des intermédiaires, les coûts réels de production, les brevets, et l’ensemble des financements des essais cliniques, qu’ils soient privés ou publics, français ou non, ou encore caritatifs. Ils obligeaient le régulateur public à en tenir compte dans la fixation du prix, et proposaient un levier d’action en cas de refus des firmes.
Cet amendement représente une avancée, notable, mais insuffisante. Il ne peut faire oublier tout le chemin qui reste à parcourir pour une réelle transparence sur la chaine du médicament. Il ne peut non plus faire oublier que, malgré le COVID-19, malgré le contexte de crise sanitaire mondiale, malgré les ruptures et pénuries de médicaments, malgré les prix des médicaments qui explosent depuis plusieurs années dans l’opacité la plus totale, et qui ruinent notre système de santé, malgré la situation catastrophique dans nos hôpitaux démantelés par deux décennies d’austérité, la majorité au parlement et le gouvernement entérinent un texte représentant une réelle régression de nos droits sociaux et pour l’accès à la santé.