L’idée de passeports vaccination contre le COVID-19 fait débat. Elle permettrait selon ses promoteurs de soutenir le secteur du tourisme ou de la culture, en grande difficulté, et de faciliter l’adhésion au vaccin. Nous pensons que cette proposition est en l’état actuel inefficace, voire dangereuse.
01.
Les vaccins aujourd’hui homologués protègent contre des formes graves du COVID-19 mais il n’est pas prouvé qu’ils empêchent une contamination. De plus, on en sait encore trop peu sur la durée de protection qu’ils accordent. Dès lors, les informations fournies aujourd’hui par un éventuel passeport vaccination ne garantiraient aucunement la sécurité sanitaire à l’égard d’une contamination. Les secteurs du tourisme ou de la culture doivent être soutenus, mais par des mesures fondées scientifiquement.
02.
La campagne de vaccination en France a démarré très lentement. Des pénuries de doses menacent son extension à moyen terme, y compris dans des pays où le démarrage a été plus rapide. Les protocoles définis dans les essais risquent de ne pas être respectés pour faire face à ces pénuries. Conditionner la circulation à un passeport vaccination alors que celle-ci n’est pas disponible n’est pas éthique. L’urgence doit être dans l’extension de la vaccination, pas dans des débats sur des mesures de prévention imaginaire.
03.
L’adhésion à la vaccination ne peut être créée par des mesures coercitives comme ces passeports. Elle se créée grâce la transparence autour des vaccins : accès public, dès le lancement des recherches, aux contrats passés avec les industriels, au montant des subventions publiques accordées, aux dépenses réelles des laboratoires, aux protocoles, aux résultats intermédiaires, etc. Elle se créée aussi en incluant tous les acteurs, notamment les experts en santé publique, dans l’élaboration des stratégies. Elle se renforce par la pédagogie, totalement absente en France. A l’inverse, des mesures coercitives vont renforcer la méfiance à l’égard des vaccins et les discours complotistes, et peuvent susciter des stratégies d’évitement.
04.
A l’échelle mondiale, une telle mesure ne peut que renforcer les inégalités déjà criantes. Le 9 décembre, Amnesty International estimait que dans les pays pauvres, 9 personnes sur 10 n’auront pas accès aux vaccins du COVID-19 en 20211https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2020/12/campaigners-warn-that-9-out-of-10-people-in-poor-countries-are-set-to-miss-out-on-covid-19-vaccine-next-year/. Les pays riches organisent la pénurie dans les pays pauvres. Représentant 14 % de la population mondiale, ils ont acheté 96% des doses de vaccins de Pfizer et BioNTech, et réservé 54% des vaccins les plus prometteurs2Comme l’a rappelé le 9 décembre la coalition d’ONGs People’s Vaccine Alliance, la totalité des doses du vaccin Moderna et 96 % de celles de Pfizer BioNTech ont été acquises par les pays riches. Alors même que le droit à la santé est refusé aux habitants des pays pauvres, des passeports vaccinations imposeraient une entrave à la liberté de circulation aussi injuste qu’inefficace sur le plan sanitaire.
05.
Microsoft semble intéressé pour centraliser les données produites par une telle mesure. Alors que la CNIL et le Conseil d’État demandent déjà à la France de récupérer les Big Data en santé qu’elle a imprudemment hébergées chez cette entreprise (le fameux health data hub), il serait incompréhensible que des données personnelles produites par un dispositif par ailleurs non pertinent soient abritées par Microsoft.
Notes
- 1https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2020/12/campaigners-warn-that-9-out-of-10-people-in-poor-countries-are-set-to-miss-out-on-covid-19-vaccine-next-year/
- 2Comme l’a rappelé le 9 décembre la coalition d’ONGs People’s Vaccine Alliance, la totalité des doses du vaccin Moderna et 96 % de celles de Pfizer BioNTech ont été acquises par les pays riches