La majorité parlementaire saborde un projet de création d’un pôle public de médicaments, indispensable pour prévenir les pénuries, contenir l’explosion des prix illégitimes, répondre aux besoins essentiels. LREM ne sert ni le bien commun, ni la santé publique, ni la démocratie, ni les dépenses publiques, et encore moins les citoyen-nes. Le seul gagnant ici est l’industrie pharmaceutique.
L’Assemblée nationale devait examiner ce mardi une proposition de loi portant sur la création d’un pôle public du médicament et des produits de santé. Cette mesure est indispensable pour que la santé cesse d’être prise dans les logiques de profit et qu’elle soit un bien commun accessible à chacun-e. La crise du COVID-19 a rendu criantes les conséquences d’une production privée de biens de santé : pénuries de médicaments vitaux ou de réactifs, explosion illégitime des prix de molécules découvertes grâce à l’argent public, annonce de Sanofi de privilégier le marché américain en cas de découverte d’un vaccin, etc.
Sans aucun égard pour l’urgence de la situation, mercredi 27 mai, en Commission des affaires sociales, les député-es de la majorité, soutenu-es par le groupe supposé dissident Ecologie, Démocratie, Solidarité, ont vidé de sa substance et de son intérêt le texte porté au nom de la France Insoumise par Caroline Fiat. Audrey Dufeu Schubert (LREM) et Aurélien Taché (EDS) portent une responsabilité particulière dans ce détricotage.
Le texte a été largement vidé de sa substance, pour ne conserver, comme l’a indiqué Mediapart, que des passages du texte amendé en commission demandant d’énièmes rapports. Les député-es de la majorité, qui en commission affaires sociales, n’ont fait que répéter les éléments de langage des industriels du médicament, font perdre un temps précieux à notre pays dans la mise en œuvre d’un pôle public du médicament et des produits de santé, qui aurait à la fois permis de gagner en puissance dans les négociations sur les prix avec les industriels mais également de réagir en cas de ruptures et pénuries. Ce sabordage est indigne de la fonction qu’ils et elles occupent.
Un amendement sorti de leur chapeau à la dernière minute pour masquer l’inacceptable
Par ailleurs, à l’occasion de sa présentation dans l’hémicycle ce mardi 2 juin et certainement consciente et satisfaite d’avoir vidé de sa substance le texte de la France insoumise, la majorité parlementaire propose comme une sorte de lot de consolation un amendement visant à assurer la transparence sur les contributions publiques à la recherche et au développement d’un médicament, revendication que nous portons depuis un an qu’une résolution en ce sens a été adoptée à l’Assemblée mondiale de la santé.
Il s’agit du copier/coller d’un amendement co-écrit en novembre dernier par La France Insoumise et la majorité parlementaire (incarnée à l’époque par Olivier Véran, rapporteur du projet de loi de financement de la Sécurité sociale), et voté de façon transpartisane par la quasi-totalité des député-es présent-es. La mesure avait été censurée par le Conseil constitutionnel, du fait des erreurs d’Olivier Véran et du gouvernement. Depuis, alors qu’une telle mesure aurait pu être prise par voie réglementaire, les ministres de la santé, Agnès Buzyn, puis Olivier Véran, ont refusé de le faire.
L’amendement voté, mais censuré, avait été inspiré par le travail de la société civile, notamment de notre Observatoire. En le reprenant aujourd’hui, Audrey Dufeu Schubert, première signataire, reconnaît donc notre expertise. C’est au nom de cette expertise que nous condamnons les agissements politiciens de cette députée et de sa majorité.
D’une part, car on ne troque pas une mesure démocratique et vitale contre une autre : on les articule, ce qui était précisément l’objectif de la proposition de loi initiale, qui demandait la transparence sur l’ensemble de la chaine de recherche, production, et mise sur le marché des médicaments.
D’autre part, car il s’agit d’une nouvelle manœuvre dilatoire. Cet amendement a déjà été discuté et voté en novembre. Il aurait dû être traduit en texte réglementaire. Nous n’avons pas le temps pour repousser la transparence à un futur incertain, autour d’un texte qui a été vidé de sa substance et dont on ignore s’il sera voté. La tactique d’Audrey Dufeu Schubert vise donc à dédouaner le gouvernement en général, et Olivier Véran en particulier de leurs responsabilités. Nous avons écrit hier au ministre pour les lui rappeler : il peut et doit, dès maintenant, mettre en œuvre la transparence par voie réglementaire.
Sans transparence, il n’est pas possible de lutter contre les pénuries des médicaments, d’évaluer la pertinence de leur prix alors que nous avons déjà, via des aides publiques, contribué à leur recherche, de mesurer l’impact réel du système des brevets sur l’innovation et la réponse aux besoins réel des populations. Sans pôle public du médicament, on ne peut peser suffisamment dans les négociations avec les industriels et lutter efficacement contre les ruptures et pénuries, et s’adapter en cas d’urgence sanitaire.
Les tactiques de la majorité parlementaire nous mettent en danger. Son incompétence est dramatique. A cause de logiques politiciennes, elle repousse la création d’un pôle public du médicament à… jamais, et ne tire pas les leçons de la crise sanitaire que nous venons de traverser. LREM ne sert ni le bien commun, ni la santé publique, ni la démocratie, ni les dépenses publiques, et encore moins les citoyen-nes. Le seul gagnant ici est l’industrie pharmaceutique.