La production publique de médicaments doit être au centre des priorités politiques

Publié le 29 mai 2020 Dans la catégorie : Communiqués de presse

Une quarantaine d’organisations dont Oxfam, Sidaction, Inter-Urgences, Santé Diabète, le Comede, ou la CGT Sanofi, et de personnalités, dont Didier Fassin, Bertrand Burgalat, Hugo Huon, Marine Martin et Sabrina Ali Benali, appellent à mettre la production publique des médicaments et produits de santé au coeur des débats et des décisions politiques.

La crise du COVID-19 a rendu encore plus criante la dépendance de l’État français aux industriels du médicament. Les exemples n’ont cessé de se multiplier depuis le début de la crise :

  • Des pénuries de médicaments ont affecté les hôpitaux français et menacent de s’abattre à nouveau en cas de nouvelle vague. Ces ruptures ne sont pas nouvelles, le phénomène est en constante augmentation. Les pouvoirs publics en ont recensé 44 en 2008, et 12 fois plus en 2017. Nous dépendons à 80 % de puissances étrangères pour la fabrication de la matière première ou des produits finis. Les médicaments, les réactifs des tests, les masques, les surblouses, ont été soumis aux lois du marché. La privatisation de la production, sa délocalisation pour maximiser les profits, en sont la cause principale.
  • Comme les autres multinationales pharmaceutiques, le laboratoire Sanofi reçoit des aides publiques conséquentes sans pour autant faire preuve de transparence sur les aides reçues dans le développement de produits, ni sans que des conditionnalités lui soient posées. Cela s’est récemment illustré à travers le vaccin du COVID-19, où, dans le but de toucher encore davantage d’aides publiques, Sanofi a menacé de privilégier le marché américain.
  • Ainsi, nous payons médicaments et produits de santé au moins deux fois : une fois par un soutien à la recherche, sous de multiples formes, une fois par le remboursement de médicaments à des prix de plus en plus exorbitants.

Ce système, mis en place par des politiques depuis plusieurs décennies, nous met en danger. Il ruine notre système de santé et les comptes publics. Ne pas en changer, dès maintenant, après avoir eu de nouvelles illustrations d’à quel point les conséquences de ce système peuvent se révéler dramatiques, serait irresponsable.

La transparence sur tous les aspects de la chaine de recherche et de production des médicaments est une urgence. Le secteur de la santé, celui des médicaments, vaccins, dépistages, dispositifs et matériel médicaux en particulier, ne doit et ne peut plus être laissé au secteur privé. Une réelle planification sanitaire doit être mise en place et doit être accompagnée d’une production publique locale du médicament : pour approvisionner notre marché national à hauteur des besoins, mais également pour envisager une coopération européenne et internationale essentielle à un accès réellement universel.

La création d’un pôle public du médicament doit être au centre des débats et des décisions politiques. Tout report des mesures indispensables renforce notre vulnérabilité face aux pénuries, et pèse sur les dépenses publiques. Le monde de demain, le jour d’après ne peuvent pas être de simples slogans, il faut agir, concrètement, dès maintenant. Nous appelons donc l’ensemble des responsables politiques à prendre toutes les initiatives, législatives, réglementaires, administratives, pour sortir la santé des logiques de marché et réinscrire le médicament et les produits de santé dans les logiques de l’intérêt public.

Des groupes politiques ont déposé à l’Assemblée nationale des propositions de lois (PPL) demandant la création du « pôle public du médicament »1https://lafranceinsoumise.fr/app/uploads/2020/04/PPL-medicament.pdf / http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b2892_proposition-loi. L’une d’entre elles a été présentée en commission parlementaire à l’Assemblée le 27 mai, et le sera dans l’hémicycle le 4 juin. Nous apportons notre soutien à ces textes et demandons à tous les responsables politiques de s’en emparer sans délai.


Premiers signataires

Associations : Act Up Sud-Ouest, Act Up-Paris, AMAVEA, APESAC, Association d’Aide aux Victimes d’Endoxan Cyclophosphamide, AV5FU, AVFIN, CGT Sanofi, Collectif anti-sanofric, Collectif Inter-Urgences, Comede, Diabète et méchant, France MCS, Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament (OTMeds), Oxfam-France, Réseau D.E.S France, REVAV, Santé Diabète, Sidaction, Sud Chimie Montpellier, Vivre sans thyroïde, UPGCS (Union pour la Prévention et la Gestion des Crises Sanitaires)

Signatures individuelles : Bertrand Burgalat, compositeur ; Camille Mary, Santé Diabète ; Carine Baxerres, Anthropologue de la santé, Institut de Recherche pour le Développement ; Christian Andreo, militant associatif ; Didier Fassin, institute for Advanced Study, Princeton, Chaire annuelle de santé publique, Collège de France ; Fanny Chabrol, anthropologue, Institut de recherche pour le développement (IRD) ; Hugo Huon, président du collectif Inter-Urgences ; Jean-François Corty, médecin humanitaire ; Jérôme Martin, co-fondateur de l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicaments (OTMeds) ; Koichi Kameda de Carvalho, chercheur en sciences sociales, Centre Populations et Développement (CEPED), Institut Francilien Recherche Innovation Société (IFRIS) ; Marine Martin, présidente de l’APESAC ; Nathalie De Castro, infectiologue, hôpital Saint-Louis, AP-HP ; Pauline Londeix, co-fondatrice de l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicaments (OTMeds) ; Sabrina Ali Benali, médecin urgentiste ; Samira Guennif, maître de conférences en économie, Centre d’Economie de l’Université Paris Nord, Université Paris 13 ; Stéphane Besançon, directeur de Santé Diabète ; Marcela Fogaça Vieira, chercheuse, Centre Santé Mondiale, Institut de Hautes études internationales et du développement (IHEID) et juriste spécialisée en propriété intellectuelle ; Veronica Noseda, Militante de la lutte contre le sida


Notes

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