Lettre ouverte au gouvernement sur la transparence dans les politiques du médicament

Publié le 5 novembre 2019 Dans la catégorie : Communiqués de presse , ,

Une coalition inédite demande au gouvernement la transparence dans les politiques du médicament.

Une coalition inédite de praticiens hospitaliers et d’urgentistes — mobilisés pour la défense de l’hôpital public, dont Christophe Prud’homme et le collectif Inter-Urgences,du membre de l’académie de médecine Alfred Spira, de chercheurs en santé publiquedont Didier Fassin, de l’économiste Thomas Piketty, de producteurs de films, du comédien Océan, de l’écrivain Edouard Louis, du compositeur Bertrand Burgalat, de victimes de scandales sanitaires et de militants de l’accès à la santé, aux côtés d’organisations de lutte contre le diabète, contre le sida, et contre la corruption et ainsi que de syndicats de chercheurs de l’industrie pharmaceutique, demande à Edouard Philippe et Agnès Buzyn la transparence dans les politiques du médicament.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 sera présenté au Sénat la semaine prochaine. Lors de la lecture du texte à l’Assemblée nationale, le jeudi 24 octobre, le gouvernement s’est opposé à tous les amendements demandant la transparence.

 Voir les organisations et personnalités signataires en fin de lettre.

A l’Attention de : 
M. Edouard PHILIPPE
Premier Ministre
Hôtel de Matignon
57 avenue de Varenne
75007 Paris

Mme Agnès BUZYN
Ministère des solidarités et de la santé
75007 Paris

Référence : PLFSS2020/Sénat/Transparence

Objet : Mise en œuvre de la transparence dans les politiques du médicament et de la résolution sur la transparence adoptée par la France à l’Assemblée Mondiale de la Santé (AMS)


Paris, le 5 novembre 2019


Monsieur le Premier Ministre, Madame la Ministre,


A l’Assemblée nationale, le gouvernement s’est opposé à des amendements visant à concrétiser un engagement pris par la France auprès de l’Assemblée Mondiale de la Santé : assurer la transparence sur les prix des médicaments et des produits de santé.

Ces amendements demandent la collecte, la mise en relation et la publication d’informations indispensables : les prix, y compris les volumes, les marges des intermédiaires, les contributions financières à la recherche et au développement, dont les financements publics, tout comme les informations sur les brevets, sur les alternatives génériques, y compris hors Union Européenne, sur l’origine de la matière première et des principes actifs. Ces informations sont essentielles pour négocier les prix et identifier les produits que notre système de santé paie deux fois, une première fois à travers les contributions publiques en R&D, puis par les remboursements de l’Assurance maladie.

L’avis défavorable du gouvernement à ces amendements est incompréhensible et n’est pas tenable politiquement :

* Il revient à défendre l’opacité et à vous opposer à une exigence démocratique forte.

* C’est le reniement d’un engagement français pris devant l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé).

* La transparence a été défendue par un large front transpartisan (les Républicains, les socialistes et apparentés, le groupe communiste et la France insoumise). Là où des mesures importantes comme le congé pour les aidants ont su faire l’unanimité, le gouvernement a brisé ce consensus sur un sujet tout aussi essentiel.

* Alors que les personnels des urgences et des hôpitaux se mobilisent contre les effets de 20 ans de politique d’austérité, alors que sont annoncées des restrictions à l’accès aux soins des étrangers, alors qu’une réforme des retraites qui va conduire à de nouveaux sacrifices inquiète, comment peut-on encore entretenir l’opacité sur les pratiques de l’industrie pharmaceutique ?

* A titre d’exemple, depuis 10 ans, le laboratoire Sanofi, dont l’État est déjà un grand financeur à travers les remboursements de l’Assurance maladie (561 millions d’euros en 2017), reçoit annuellement 150 millions d’euros de soutien public à la recherche. Cela représente le double de ce que le gouvernement a consenti en juin dernier aux services d’urgences après une grève de plusieurs mois. Dans la même période, Sanofi a supprimé 2814 postes de chercheurs, breveté des molécules découvertes grâce au soutien public, prolongé indûment des brevets existant depuis longtemps si bien que les monopoles illégitimement acquis lui donnent la possibilité de fixer des prix exorbitants. Comment pensez-vous expliquer à nos concitoyen-nes, et notamment aux personnels soignants qui manifesteront le 14 novembre, que 150 millions d’euros annuels de soutien à la recherche sont utilisés pour licencier des chercheurs, que ce fait a été documenté par les associations et non les services de l’État, et que vous refusez de faire la lumière de façon générale sur ces pratiques ?

* En plein procès du Médiator, et alors même que la laboratoire Servier réclame à l’État un remboursement de 30 % des indemnisations versées
aux victimes, s’opposer à la transparence sur les politiques du médicament en invoquant, comme l’a fait le rapporteur en séance, le secret des affaires, semble apporter la preuve que le gouvernement et la majorité parlementaire privilégient les intérêts privés sur l’intérêt public.

Pour toutes ces raisons, le refus du gouvernement de vouloir concrétiser un engagement international qui vise à la transparence est incompréhensible. C’est la raison pour laquelle nous vous appelons à soutenir les amendements sur la transparence au Sénat.

Veuillez agréer, Monsieur le Premier ministre, Madame la ministre, l’expression de nos salutations distinguées.

   

Organisations signataires : Act Up-Basel, Act Up-Paris, Anticor, APESAC (Association d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anti-convulsivant), AVEC (Association d’Aide aux Victimes d’Endoxan Cyclophosphamide), CGT Sanofi, Collectif anti-Sanofric, Collectif les irrécupérables, Comede, Diabète et méchant, Elus locaux contre le sida (ELCS), France MCS (Collectif associatif du Syndrome d’Hypersensibilité Chimique Multiple), Inter-urgences, Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament (OTMeds), ONG Santé diabète, R.E.S.I.S.T. (Réseau d’Entraide Soutien et Information sur la Stérilisation Tubaire), SUD Chimie Montpellier, UAEM-France (Universities Allied for Essential Medicine), U.P.G.C.S (Union pour la Prévention et la Gestion des Crises Sanitaires), Vacarme (revue).

Personnalités signataires : Alfred Spira épidémiologiste, Membre de l’Académie nationale de médecine ; Anne Gervais hépatologue, Hôpital Bichat, Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) ; Arthur Vuattoux, sociologue, Université Paris 13 ; Aude Lalande, bibliothécaire, membre de la revue Vacarme ; Bertrand Burgalat, compositeur ; Carine Baxerres, anthropologue, Institut de Recherche pour le Développement (IRD) ; Caroline Mécary, avocate ; Cécile Cadu, co-fondatrice d’Act Up-Basel ; Christian Andreo, militant associatif ; Christophe Le Tallec, vice-président Inter-Urgence / Délégué Régional Pays-de-la-Loire ; Christophe Prudhomme, urgentiste, Hôpital Avicenne, Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), Porte-parole de l’Association des médecins urgentistes de France, Membre du Haut conseil pour l’avenir de l’Assurance Maladie ; Didier Fassin, institute for Advanced Study, Princeton, Chaire annuelle de santé publique, Collège de France ; Édouard Louis, écrivain ; Eric Fassin, sociologue, Université Paris 8 ; Eve Plenel, Vers Paris sans sida ; Fanny Chabrol, anthropologue, Institut de recherche pour le développement (IRD) ; Françoise Sivignon, médecin, ancienne présidente de Médecins du Monde ; Fred Bladou, activiste sida, administrateur de Gaïa ; Gwen Fauchois, activiste et blogueuse ; Hugues Charbonneau, producteur de films ; Isabelle Saint-Saens, militante associative ; Jean-Luc Romero, conseiller régional d’île de France, Jérôme Martin, co-fondateur, OTMeds ; Louis-Georges Tin, fondateur de l’IDAHO, Manon Ress, Union for Affordable Cancer Treatment (UACT) ; Marcela Fogaça Vieira, juriste spécialisée en propriété intellectuelle et chercheuse sur les politiques du médicament ; Marine Martin, présidente de l’APESAC ; Mathieu Potte-Bonneville, philosophe ; Mathilde Larrere, historienne, UPEM ; Matthieu Lafaurie, médecin infectiologue, Hôpital Saint-Louis, Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) ; Maurice Cassier, sociologue, Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ; Morgane Ahmar, militante associative ; Océan, réalisateur et comédien ; Pauline Londeix, co-fondatrice, OTMeds ; Quentin Ravelli, chercheur, Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ; Rémi Grellety, producteur de films ; Samira Guennif, maître de conférences en économie, Centre d’Economie de l’Université Paris Nord, Université Paris 13 ; Stéphane Besançon, directeur général, ONG Santé Diabète ; Thierry Baubet, professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, Université Paris 13, Hôpital Avicenne, Assistance Publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP) ; Thomas Piketty, économiste, École des hautes études en sciences sociales (EHESS) et Ecole d’économie de Paris (PSE) ; Valéry Ridde, chercheur en santé publique, Institut de recherche pour le développement (IRD).

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