Le gouvernement a annoncé la stratégie vaccinale de la France pour les prochains mois. Nous regrettons que la politique de santé publique de notre pays se fasse constamment dans la réaction et implique un nombre si limité d’acteurs. Or, pour regagner la confiance de la population en matière vaccinale, le gouvernement a le devoir de construire une stratégie permettant une large adhésion.
Mois après mois, et loin de tirer les enseignements des débuts de la crise, ne semblent consultés dans l’élaboration des politiques de réponse au COVID que les industriels, médecins et technocrates. Or, pour regagner la confiance de la population en matière vaccinale, le gouvernement a le devoir de construire une stratégie permettant une large adhésion. Cette stratégie implique de consulter différents acteurs essentiels. Il doit par ailleurs mettre en oeuvre toute la transparence dans les politiques du médicaments, à toutes les étapes du développement de ces produits de santé essentiels pour notre société : recherche et développement, production, commercialisation et déploiement. A ce stade, ce n’est réellement le cas à aucune de ces étapes.
Une stratégie vaccinale par défaut :
- La stratégie vaccinale semble aujourd’hui guidée par la mise sur le marché du vaccin de Pfizer, qui implique de grandes contraintes liées à la chaîne du froid. Les spécificités de ce vaccin obligent à cibler les personnes prioritaires dans des lieux collectifs (EHPAD, par exemple), au risque de négliger les personnes très âgées vivant encore chez elles. Cet outil, essentiel, si la publication des résultats des essais cliniques complets montrent une efficacité à hauteur de celle affichée par la firme dans son communiqué de presse, répond à un enjeu spécifique, celui de réduire les formes graves du COVID, d’autres vaccins, pour réduire la transmission, sont nécessaires.
- Les vaccins qui permettront de réduire la transmission du virus et donc sa circulation sont ceux qui permettront réellement de sortir des phases confinement-déconfinement-reconfinement. Les annonces sur la stratégie vaccinale aujourd’hui ne doivent surtout pas se traduire par un renoncement aux gestes barrières. Le gouvernement doit impérativement avoir mettre en place une communication claire à ce sujet et renforcer les efforts de prévention.
Une usine à gaz institutionnelle :
- L’élaboration de la stratégie gouvernementale repose sur un nouveau mille-feuilles institutionnel : un conseil d’orientation, un conseil logistique, un conseil de liaison avec l’Assemblée, un conseil citoyen (annoncé par le Premier ministre comme encore en discussion), autant d’institutions qui s’ajoutent à celles déjà existantes. Le conseil citoyen n’est toujours pas mis en place , alors qu’il aurait pu être organisé depuis des mois ; la stratégie a donc une fois de plus été élaborée sans la société civile. Une fois de plus, le gouvernement se coupe d’une expertise de terrain pourtant indispensable à l’anticipation de toutes les difficultés de déploiement, mais aussi à l’adhésion vaccinale. L’adhésion à la vaccination passe par l’implication de la société et des populations dans les phases d’élaboration de ces produits de santé.
Une politique au service des industriels :
- 200 millions de doses ont été achetées par le gouvernement qui indique qu’elles n’auraient été que “pré-réservées”, et conditionnées à une AMM (autorisation de mise sur le marché). Dans la réalité, et compte tenu de la très forte probabilité pour que l’AMM soit émise quel que soit le taux d’efficacité du candidat vaccin, ces doses ont bien été achetées.
- La ministre déléguée chargée de l’industrie, Agnès Pannier-Runacher a assuré que la politique d’achat s’adaptera de façon réactive pour ajuster à chaque moment le choix des candidats vaccins en fonction des avis scientifiques données. Dans la réalité, l’Etat a déjà contribué à hauteur de centaines de millions d’euros à la recherche vaccinale sur le COVID, prenant ainsi d’immenses risques, en cas de médiocrité ou de manque d’efficacité des vaccins en cours de développement. Le conditionnement de la possibilité d’annulation des contrats d’achats de doses à la seule délivrance d’une AMM est ainsi symptomatique et révèle qu’en réalité la majeure partie des risques est absorbée par le public.
- L’opacité dans les contrats signés à travers la Commission européenne notamment, concernant les prix et autres conditionnalités est toujours aussi problématique, et nous continuons de demander la transparence, condition nécessaire à la politique vaccinale et à l’adhésion de la population.