Sanofi annonce aujourd’hui vouloir fournir en priorité aux États-Unis le vaccin contre le COVID-19 en cours de développement, au motif que les autorités de ce pays auraient davantage participé à son financement que d’autres pays. L’article de Bloomberg qui documente l’annonce rappelle à quel point le système de recherche, développement et production des médicaments et biens de santé est vicié.
Le PDG de Sanofi annonce aujourd’hui vouloir fournir en priorité aux États-Unis le vaccin contre le COVID-19 en cours de développement, au motif que les autorités de ce pays auraient davantage participé à son financement que d’autres pays. L’article de Bloomberg qui documente l’annonce rappelle à quel point le système de recherche, développement et production des médicaments et biens de santé est vicié :
- L’annonce de Sanofi n’est ni plus ni moins qu’un chantage : « Si vous n’enrichissez pas plus nos actionnaires, à travers une augmentation de la contribution publique à la recherche, vous n’aurez rien ». Il doit être traité comme tel par les pouvoirs publics français. Ce chantage s’ajoute à celui déjà exercé ces dernières semaines par l’industrie pharmaceutique, exigeant une hausse des prix des médicaments, déjà exorbitants, notamment ceux pour lesquels ont eu lieu des pénuries. De façon mensongère, ils rendent les prix des génériques responsables des ruptures de stock, et en profitent pour demander davantage d’aides publiques, afin de relocaliser la production et lutter contre les ruptures d’approvisionnement – dont la logique de profits est pourtant entièrement responsable.
- Sanofi veut plus d’aides publiques, mais refuse la transparence sur celle-ci. Les industriels du médicament refusent la transparence sur la chaine de production des médicaments et notamment sur l’argent public qu’ils reçoivent à différentes étapes et sous différentes formes (Par exemple, le Crédit impôt recherche. Pour Sanofi, celui-ci s’élève à au moins 1,5 milliards sur dix ans alors que la firme a supprimé 2800 postes de chercheurs dans le même temps1Depuis 10 ans, Sanofi reçoit au titre du Crédit Impôt Recherche 150 millions d’euros – sans compter toutes les nombreuses aides publiques supplémentaires. Pourtant, Sanofi a supprimé sur cette même période plus de 2800 postes de recherche et abandonné des pans entiers, comme Alzheimer. Le laboratoire n’innove pas, mais dépose des brevets sur des molécules très anciennes comme l’insuline ou une combinaison de deux antituberculeux, l’isoniazide et la rifapentine, vieux de plusieurs décennies (Sanofi n’en a découvert aucun des deux), dont l’un n’a jamais été breveté et dont l’autre est tombé dans le domaine public. L’intérêt thérapeutique de la combinaison était par ailleurs déjà connue, mais Sanofi cherche désormais à breveter de nouvelles formes adultes et pédiatriques de cette combinaison, dont la non-toxicité a été démontrée grâce à…de l’argent public.).
- Sanofi refuse l’investissement et le risque inhérent à une recherche clinique sur un nouveau produit sauf s’il est garanti par l’État. Alors même que l’industrie privée justifie les prix exorbitants qu’elle impose à ses produits au nom du risque qu’elle prendrait, on voit bien à quel point cette justification est mensongère. Le risque est assumé par le public, seuls les profits sont privés.
- Sanofi n’est pas une entreprise française au service de la santé et de l’intérêt commun, mais un géant multinational obéissant à des logiques de profits au service des actionnaires. Sanofi ne se sent pas redevable des aides publiques françaises conséquentes, et pour lesquelles le gouvernement Édouard Philippe a refusé de mettre en place une transparence pourtant indispensable2Revoir le débat à l’Assemblée Nationale en octobre 2019.
- Cette nouvelle annonce est faite alors même que Sanofi redistribue à ses actionnaires, en pleine crise économique et sociale liées au COVID-19, quatre milliards d’euros de dividendes. 80 % du chiffre d’affaires de Sanofi repose sur le remboursement des médicaments par l’Assurance Maladie. Nous payons donc les médicaments de Sanofi deux fois : une fois par un soutien public à la recherche, une fois par ses remboursements. Sanofi estime ce racket insuffisant et procède à un chantage supplémentaire.
- Le 2 mai dernier, Mediapart révélait que le financement français pour la recherche vaccinale était très insuffisant. Bien que scandaleuse et injustifiée, la décision de Sanofi de privilégier les États-Unis confirme le manque de transparence sur le fléchage des subventions annoncées.
- Le système actuel encourage les inégalités mondiales dans l’accès aux traitements, vaccins, diagnostics ou produits de santé. La concurrence imposée par Sanofi entre les citoyen-nes des Etats-Unis et les autres est scandaleuse, mais n’est pas nouvelle. C’est la même concurrence qu’inflige depuis 30 ans l’industrie aux malades du sida, du cancer, du diabète, de la tuberculose, des pays pauvres ou à revenus intermédiaires, privés pour de pures raisons de profits, des innovations dont nous bénéficions dans les pays riches.
Jusqu’à présent, Emmanuel Macron, Edouard Philippe, Agnès Buzyn puis Olivier Véran ont accepté toutes les pratiques de l’industrie pharmaceutique. Alors que leur politique en la matière ne sert que les intérêts des actionnaires et non ceux de la santé, Sanofi leur inflige une nouvelle humiliation avec cette annonce. Cela va-t-il enfin les amener à changer de politique ? Plus que jamais, nous avons besoin :
- D’une transparence, qui peut s’établir par décret, sur toute la chaine du médicament, notamment sur les aides publiques à la recherche et au développement (cf. notre check-list de la transparence).
- Cette transparence sur les aides publiques à la recherche doit s’accompagner d’une conditionnalité émise sur les produits qui en seront les fruits. Des médicaments, vaccins, tests, produits de santé développés grâce à l’argent public ne peuvent être brevetés par des groupes privés ni vendus à des prix exorbitants. Les modalités de fixation du prix des médicaments ne peut se faire qu’à la lumière d’éléments rationnels, dont les montants des contributions à la R&D.
- D’une réquisition immédiate des moyens de production de Sanofi pour produire les médicaments dont nous avons besoin, et notamment tous ceux en « tension »
- D’une mise en place d’une chaine de production nationale publique et d’une planification sanitaire, en coordination avec les pays européens et capable d’exporter vers les pays à ressources limités.
- D’une coopération internationale qui garantisse à tous l’accès aux innovations en santé, et non aux seuls ressortissants des pays riches.
Notes
- 1Depuis 10 ans, Sanofi reçoit au titre du Crédit Impôt Recherche 150 millions d’euros – sans compter toutes les nombreuses aides publiques supplémentaires. Pourtant, Sanofi a supprimé sur cette même période plus de 2800 postes de recherche et abandonné des pans entiers, comme Alzheimer. Le laboratoire n’innove pas, mais dépose des brevets sur des molécules très anciennes comme l’insuline ou une combinaison de deux antituberculeux, l’isoniazide et la rifapentine, vieux de plusieurs décennies (Sanofi n’en a découvert aucun des deux), dont l’un n’a jamais été breveté et dont l’autre est tombé dans le domaine public. L’intérêt thérapeutique de la combinaison était par ailleurs déjà connue, mais Sanofi cherche désormais à breveter de nouvelles formes adultes et pédiatriques de cette combinaison, dont la non-toxicité a été démontrée grâce à…de l’argent public.
- 2Revoir le débat à l’Assemblée Nationale en octobre 2019