Tout au long de l’été, le gouvernement a réaffirmé la volonté déjà exprimée par le ministre de l’économie Bruno Le Maire le 19 juin dernier : doubler les franchises médicales et le forfait de consultation, voire dérembourser certains soins. Ces annonces sont faites dans le cadre de l’élaboration du budget de la Sécurité sociale (Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024, PLFSS2024). Le projet est bien d’accélérer la privatisation du système de santé, par un transfert des dépenses sur les ménages qui le peuvent. Ces annonces s’inscrivent dans une politique agressive d’austérité et de privatisation du système de santé, dont la seule conséquence concrète sera de creuser toujours plus les inégalités en santé et d’accroître les profits des groupes privés : entreprises du médicament ou assurances. Nous appelons l’ensemble de la société civile, notamment les associations de malades et d’usagers du système de soins, à se mobiliser pour la transparence sur le chaine du médicament, pour une politique de santé fondée sur des éléments rationnels et visant un système de santé réellement solidaire.
De telles annonces sont en effet irresponsables :
- La priorité d’un gouvernement élaborant un PLFSS devrait d’abord être de se doter d’outils rationnels pour guider les politiques, et entre autres les dépenses de santé. Il faudrait notamment évaluer la pertinence des prix des médicaments en s’appuyant sur des éléments rationnels, tels que ceux que nous avons listés dans notre check-list de la transparence. Ces prix sont de plus en plus exorbitants, alors même que les financements publics à la recherche et au développement aident, souvent massivement, les industriels dits privés. En mai 2019, les États-membres de l’Organisation Mondiale de la Santé adoptaient à l’unanimité une résolution appelant à faire la transparence sur ces informations pour permettre la fixation juste des prix des traitements. Dans son avis de novembre 2020 sur l’Accès aux innovations thérapeutiques, le Comité consultatif national d’éthique recommandait lui aussi la transparence afin que le régulateur retrouve du pouvoir dans les négociations. Dans son rapport rendu public le 6 juillet, la commission sénatoriale d’enquête sur les pénuries de médicaments et les choix de l’industrie pharmaceutique appelle à « conditionner les aides publiques et incitations fiscales à l’industrie pharmaceutique, améliorer la transparence quant à leur utilisation et leur évaluation qualitative » (Recommandation n°30, page 34). Cette transparence n’a toujours pas été faite et le gouvernement lance ces menaces contre l’accès aux soins sans éléments fiables pour guider sa politique.
- La responsabilité d’un ministre serait ensuite de faire baisser le prix des traitements princeps (sous brevet) par les moyens légaux que le droit international et national autorise, comme la licence obligatoire, qui permet de produire ou d’importer des génériques d’un médicament encore sous brevet, et par la mise en place d’une production au moins en partie publique.
Est-il légitime de payer des nouveaux traitements à plus de trois millions d’euros quand ils ont été développés avant tout grâce à de l’argent public ? Pourquoi l’administration en charge de négocier les prix des médicaments ne disposent-elles pas des informations nécessaires comme le coût de production, l’investissement réel des industriels dans le développement du médicament, les marges des intermédiaires, l’ensemble des aides publiques reçues ? Quand le prix exorbitant de traitements princeps menace notre système de santé alors qu’un industriel comme Sanofi annonce des dividendes en hausse, dépassant les 4 milliards de dollars, est-il responsable pour un gouvernement de vouloir faire payer plus les ménages, au risque que beaucoup ne puissent plus payer leurs soins, sans s’interroger sur la légitimité de tels prix ? Attend-on des médecins qu’ils calculent le prix de leur ordonnance ?