COVID-19 : un plan d’urgence pour le dépistage

Publié le 18 mars 2020 Dans la catégorie : Communiqués de presse , , ,

L’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament interpelle le ministre de la santé Olivier Véran sur les raisons d’un dépistage restreint du COVID-19, aux antipodes des recommandations de l’Organisation Mondiale de la santé (OMS). Nous demandons la transparence sur les critères scientifiques et sur les prix pratiqués.

Depuis le début de la pandémie, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) incite à un dépistage étendu du COVID-19 (voir par exemple page 10 de ce document). Lundi 16 mars, au cours d’une conférence de presse, plusieurs responsables de cette organisation regrettaient que de nombreux pays n’intensifient pas le dépistage dans le cadre de la lutte contre la pandémie, et ce, quel qu’y soit l’état d’avancée de l’épidémie : « We have a simple message for all countries: test test test. Test every suspected #COVID19 case »1« nous avons un message simple pour les pays : testez, testez, testez ! Dépistez tout cas suspect. »

Un dépistage bien plus étendu, comme ce fut le cas en Corée du Sud, permettrait aux personnes contaminées présentant des symptômes moins graves, ou à celles n’en présentant aucun, de connaître leur statut, d’adopter des gestes de prévention encore plus stricts, d’être prises en charge- dans la mesure des possibilités matérielles d’accueil du système de santé. 

Or, la France « fait le choix » de restreindre le dépistage aux personnes présentant les symptômes les plus graves. Ce « choix » est difficile à comprendre d’un point de vue médical ou scientifique. Il semble être la conséquence, renforcée par l’explosion de l’épidémie et la situation d’urgence qui contraint à des sacrifices, de logiques politiques et économiques dominantes depuis 30 ans et qui se manifestent par :

* le manque de personnel qui empêche un dépistage étendu – mais qui contraint aussi de façon dramatique l’accueil des patients, et le maintien de soins pour les autres pathologies ;

* l’usage très répandu de plateformes fermées appartenant à un petit groupe d’entreprises (Roche, Abbott, etc.). Les automates ne sont alors prévus que pour recherche des agents pathogènes très précis. Le recours à ces plateformes « fermées » empêche leur utilisation pour des agents infectieux non prévus au départ, oblige à attendre la mise au point par le même fabricant de réactifs/kits pour le nouveau virus, au contraire des plateformes ouvertes, en trop petit nombre sur tout le territoire, qui permettent de rechercher tous les types d’agents infectieux avec des réactifs/kit dédiés. On ne compte que 48 laboratoires disposant de plateformes ouvertes en France, principalement les CHU, en plus de quelques unités de recherche. Dans la crise d’Ebola, les plateformes « ouvertes » avaient été utilisées. 

* Le ministère de la santé a publié la liste des réactifs bénéficiant d’un marquage CE et pouvant ainsi être utilisés dans le cadre du SARV-CoV-2. Tous semblent importés, nous laissant dans une situation de dépendance absolue vis-à-vis du « marché » globalisé, des stocks disponibles ou non au nouveau mondial, et totalement impuissant quant prix demandés par les industriels. La liste de ceux qui ont été achetés, leur prix, les volumes, n’ont en revanche, à notre connaissance, pas été publiés.

* Selon Libération, le tarif serait de 135 euros par test, pour un prix de production qu’on peut estimer, en se fondant sur l’existant, à 12 euros. 

* La mise sur le marché très prochaine d’un test automatisé du laboratoire Roche pour le SARS-CoV-2 « cobas 6800/8800 » va permettre d’augmenter les capacités en matière de test, mais la position de force du laboratoire va lui permettre de fixer quasi unilatéralement son prix (alors que les principaux brevets sur cette technologie « rt-PCR » ont expiré). L’histoire récente de l’accès aux tests de charge virale du VIH et du VHC nous l’ont montré : la concentration du marché dans ce secteur a maintenu des monopoles qui ont privé et continuent de priver une grande partie de la population mondiale de l’accès à ces tests. Dans le domaine du diagnostic, les deux leaders mondiaux, Roche et Abbott, ont même mis en place une « joint venture », illustrant parfaitement l’ultra concentration de ce marché.

Conscient-es qu’il n’est pas possible de corriger en une semaine les conséquences de ces choix politiques vieux de plusieurs décennies, nous demandons toutefois à ce qu’on ne fasse pas passer pour légitime sur le plan médical la restriction du dépistage alors qu’elle tient à des décisions économiques et sociales. Il serait désastreux, notamment en situation de crise inédite, qu’on fasse passer sur un mode résigné pour une évidence scientifique ce qui est en fait la conséquence de politiques économiques.

Pour toutes ces raisons, nous demandons au ministre de la santé de faire toute la transparence sur les enjeux du dépistage pour éclairer le débat public. Nous lui demandons de mettre en place une politique de transparence en matière de prix des diagnostics et de les encadrer, comme cela a pu être le cas avec le prix du gel-hydroalcoolique. Des leaders du marché du diagnostic existent en France. Leurs unités de production doivent être réquisitionnées pour permettre de produire les tests dont nous avons besoin de toute urgence.


Notes

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    « nous avons un message simple pour les pays : testez, testez, testez ! Dépistez tout cas suspect. »
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