Contexte géopolitique / médicaments : urgence à sortir de la dépendance à la Chine

Publié le 18 mars 2022 Dans la catégorie : Communiqués de presse , ,

Alors qu’une rencontre entre les gouvernements chinois et américains se tenait aujourd’hui à Rome, la place stratégique occupée par la Chine, l’une des principales puissances productrices de matière première pharmaceutique, nous oblige à agir en urgence pour garantir une autonomie européenne et française en matière de médicaments. Le bouleversement international provoqué par l’invasion russe de l’Ukraine nous met au pied du mur dans de nombreux domaines, énergétiques et alimentaires, mais aussi pharmaceutiques.


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Notre dépendance pharmaceutique vis-à-vis de la Chine et de l’Inde pose un problème sanitaire majeur

L’Europe est en effet dépendante de la Chine et de l’Inde pour l’essentiel de sa production pharmaceutique. Nous documentons les conséquences de cette dépendance et proposons des pistes de solutions dans un rapport paru début mars 2022 et disponible sur notre site otmeds.org.

80 % des principes actifs (API – Active Pharmaceutical Ingredient) des médicaments que nous utilisons sont produits dans ces pays. En cas de rupture éventuelle de production en Chine ou en Inde, ou d’arrêt d’échanges commerciaux causés par l’aggravation des tensions internationales, ni la France, ni l’Europe ne pourraient compenser en quelques mois cette production d’API. Nous nous retrouverions alors démunis, privés de médicaments essentiels.


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L’autonomie pharmaceutique et la production d’API ne s’improvisent pas

La production d’API, étape essentielle, ne peut pas être mise en place en Europe du jour au lendemain : elle est complexe, nécessite des parcs entiers de production spécifiques, soulève des défis éthiques, notamment environnementaux, qui exigent du temps pour être relevés de façon satisfaisante. Une « relocalisation » de la production d’API ne peut donc se fonder sur la simple réorientation de lignes de production existantes.


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Des conséquences désastreuses dont nous avons déjà eu un avant-goût

La première vague du COVID-19 avait révélé de façon dramatique notre dépendance. Les hôpitaux saturés et les EHPAD avaient alors manqué de médicaments essentiels de réanimation (curares, sédatifs, par exemple)1« Médicaments : neuf grands hôpitaux européens lancent un appel à l’aide », Chloé Hecketsweiler, Le Monde, 31 mars 2020 ; « Coronavirus : inquiétude mondiale sur les inévitables pénuries de médicaments », Stéphane Horel, Le Monde, 3 avril 2020 non seulement du fait de l’explosion de la demande mondiale, mais aussi parce que la production chinoise s’était arrêtée et les exportations indiennes s’étaient interrompues.


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Reprendre la main sur l’ensemble de la chaine de production du médicament en France et en Europe

S’en remettre aux seules multinationales du médicament pour résoudre le problème ne peut suffire. D’une part, car les firmes s’approvisionnent souvent dans les mêmes pays et n’auraient pas d’alternative en cas d’escalade des tensions géopolitiques (ou nouveau confinement, en Chine par exemple, qui engrainerait un ralentissement ou un arrêt de la production comme en décembre 2019).

D’autre part, car les stratégies des géants pharmaceutiques dépendent de leur quête d’opportunités pour conserver ou gagner un marché. Leur abandonner la sécurisation de toutes les étapes de la production pharmaceutique, c’est courir le risque qu’elles priorisent non les médicaments essentiels à toutes les populations, mais les médicaments qui leur rapportent le plus, ce qui entrainerait des risques de rupture. 37 % des pénuries de médicaments essentiels en 2020 en France étaient causées par une rupture d’approvisionnement en API2Les pénuries structurelles de médicaments, dont le nombre croit de façon exponentielle le prouvent. En 2016, 405 tensions ou ruptures d’approvisionnement sur des médicaments essentiels étaient signalées à l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) en France. Ce nombre passait à 871 en 2018, 1 504 en 2019, 2 446 en 2020. Pour cette dernière année, selon une étude de l’UFC-Que Choisir, 37 % de ces tensions ou pénuries étaient causées par un problème d’approvisionnement en principes actifs. La date de commercialisation de la moitié des molécules en rupture était antérieure à 1995, un quart d’entre elles était commercialisé depuis plus de 33 ans. Les médicaments les moins chers sont les plus touchés : un quart des ruptures touche des traitements vendus moins de 3,90 euros, trois quarts sont vendus moins de 25 euros, le prix médian est de 9,24 euros..

C’est donc aux pouvoirs publics de travailler dès maintenant à une production locale pharmaceutique, et tout particulièrement d’API. Il en va de notre autonomie sanitaire. Nous ne pouvons nous permettre d’attendre que des accidents industriels en Chine ou en Inde, ou encore une aggravation du contexte géopolitique révèlent notre fragilité et mettent en danger la santé de l’ensemble de la population européenne.


Notes

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