Au Sénat, le LEEM veut renforcer le flou sur la fixation du prix des médicaments

Publié le 22 février 2022 Dans la catégorie : Communiqués de presse , ,

Débattue aujourd’hui, une proposition de loi sur l’innovation en santé du groupe Les Républicains du Sénat comprend une disposition dangereuse, demandée par les multinationales pharmaceutiques, qui favorisera l’explosion des prix des médicaments. Nous appelons le Sénat à faire de la transparence le moteur d’une politique pharmaceutique rationnelle.

Déposée par les sénatrices LR Catherine Deroche et Annie Delmont-Koropoulis, la proposition de loi (PPL) relative à l’innovation en santé est discutée ce mardi après-midi au Sénat. L’article 161« Dans l’attente de données cliniques suffisantes et pertinentes pour l’évaluation de l’amélioration du service médical rendu par un médicament présentant une efficacité et une sécurité pouvant être présumées et répondant à un besoin thérapeutique majeur au regard des alternatives existantes, la fixation du prix de ce médicament peut tenir compte, à titre expérimental pour une durée de cinq ans, d’une évaluation, par la Haute autorité de santé, de sa valeur thérapeutique relative, dans les conditions définies par le décret en Conseil d’État prévu au III. La convention mentionnée au premier alinéa du présent I fixe les conditions de réévaluation périodique, dans un délai maximal de deux ans, de cette valeur thérapeutique relative et du prix du médicament ainsi que les conditions de remboursement à la caisse nationale d’assurance maladie par l’entreprise qui exploite le médicament de tout ou partie de la différence entre les montants remboursés et les montants qui auraient résulté de l’application du prix révisé. L’inscription du médicament sur les listes mentionnées aux articles L. 162-17 et L. 162-22-7 est conditionnée à la présentation par l’entreprise qui exploite le médicament de données cliniques et de vie réelle permettant de procéder à la réévaluation périodique de sa valeur thérapeutique relative. »propose de fixer le prix des nouveautés thérapeutiques pour lesquelles les données cliniques seraient encore insuffisantes par un nouveau critère, la « valeur thérapeutique relative ». Ce critère flou viendrait se substituer à une évaluation par le service médical effectivement rendu.

Cette disposition est une transcription dans la loi d’une demande des multinationales du médicament, rassemblée en France derrière le LEEM (Les Entreprises du Médicament). Elle est dangereuse car elle renforce le déséquilibre entre le régulateur public, le Comité Économique des Produits de Santé (CEPS), et les firmes. Celles-ci auront encore plus de pouvoir pour entamer des négociations avec un prix exorbitant alors même que le produit ne serait pas pleinement évalué.

L’explosion des tarifs des médicaments, injustifiée, est une menace pour l’accès aux innovations thérapeutiques, mais aussi pour la pérennité de nos systèmes de santé. L’opacité qui entoure la chaine du médicament empêche le régulateur public de tenir compte du coût réel de production, des investissements réels consentis par les firmes ou encore de l’ensemble des nombreuses et diverses aides publiques qu’elles ont reçues.

Par exemple, l’Assurance maladie française, a dépensé des milliards d’euros pour un traitement contre l’hépatite C à 40 000 euros l’unité alors que son coût de production se situe autour de 300 dollars. Depuis 2019, une thérapie contre une maladie génétique rare tuant des bébés est vendue 2 millions d’euros alors qu’elle a été développée par de l’argent public ou celui, défiscalisé, du Téléthon.

L’urgence est donc à mettre en place la transparence sur toute la chaine du médicament et de repenser le système de fixation du prix des produits de santé, comme le recommandait dans son avis n°135, le Conseil consultatif national d’éthique (CCNE) sur l’accès aux innovations thérapeutiques.

Nous appelons le Sénat à faire preuve de pragmatisme et de rationalité en soutenant les divers amendements déposés par les groupes Socialistes, Écologistes et Républicains (amendement n°29), Écologiste – Solidarité et Territoire (amendements n° 32, 33), et Communistes Républicain Citoyen et Écologiste (amendements n°37, 38, 39). Fondés sur le travail de notre Observatoire, ces amendements proposent d’introduire plus de transparence pour guider la fixation des prix de façon rationnelle en tenant notamment compte du coût réel de production, des aides publiques reçues, du montant réel des investissements consentis par chaque firme.


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    « Dans l’attente de données cliniques suffisantes et pertinentes pour l’évaluation de l’amélioration du service médical rendu par un médicament présentant une efficacité et une sécurité pouvant être présumées et répondant à un besoin thérapeutique majeur au regard des alternatives existantes, la fixation du prix de ce médicament peut tenir compte, à titre expérimental pour une durée de cinq ans, d’une évaluation, par la Haute autorité de santé, de sa valeur thérapeutique relative, dans les conditions définies par le décret en Conseil d’État prévu au III. La convention mentionnée au premier alinéa du présent I fixe les conditions de réévaluation périodique, dans un délai maximal de deux ans, de cette valeur thérapeutique relative et du prix du médicament ainsi que les conditions de remboursement à la caisse nationale d’assurance maladie par l’entreprise qui exploite le médicament de tout ou partie de la différence entre les montants remboursés et les montants qui auraient résulté de l’application du prix révisé. L’inscription du médicament sur les listes mentionnées aux articles L. 162-17 et L. 162-22-7 est conditionnée à la présentation par l’entreprise qui exploite le médicament de données cliniques et de vie réelle permettant de procéder à la réévaluation périodique de sa valeur thérapeutique relative. »
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