Depuis des semaines, des problèmes de disponibilité du misoprostol, une molécule utilisée pour les avortements médicamenteux, sont signalés. Malgré cette réalité de terrain, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) indiquait le 5 mars dernier sur son site une remise à disposition de ce médicament à partir du vendredi 23 septembre 2022. Aujourd’hui, le jeudi 13 avril 2023, l’agence a effectué une modification sur son site indiquant la date « prévue de remise à disposition » fin avril. Une fois encore, les alertes des acteurs de terrain, associations luttant pour le droit à l’IVG, médecins libéraux et sage-femmes ont été ignorées, au risque de laisser des personnes dans des situations dramatiques, et subir des pénuries qui n’étaient même plus signalées sur le site de l’ANSM. Il devient particulièrement alarmant qu’en France, les ruptures et pénuries soient constatées sur le terrain avant même les agences et le gouvernement.
Comment expliquer un tel attentisme, un tel amateurisme ?
Le misoprostol est un médicament sous brevet. Sa production est concentrée sur un unique site. En cas de problème industriel, comme une impureté, qui ralentit ou arrête la fabrication, il n’y a aucune solution de repli. Le monopole lié au statut de propriété intellectuelle sur le médicament en question nous prive de solutions alternatives. Enfin, la concentration vulnérabilise la production face aux actions des lobbys anti-IVG. Il y a donc urgence à penser un autre système, qui sorte la fabrication des médicaments de la propriété intellectuelle et d’une production monopolistique, qui rentrent parmi les facteurs des pénuries.
Nous sommes en colère
Nous avons alerté sur cette situation dès le 5 mars, avons exposé le problème le 7 avril lors de notre audition au Sénat et publié une tribune qui aborde notamment ces problèmes de disponibilité qui remettent clairement en cause le droit à l’avortement alors que sa constitutionnalisation est au cœur des débats. Que vaut un principe constitutionnel si un gouvernement n’agit pas pour qu’il soit effectif et opérationnel ?
En mai 2020, le Haut Conseil à l’égalité Hommes-Femmes alertait sur les problèmes de disponibilités de plusieurs contraceptifs et des deux médicaments utilisés pour des avortements médicamenteux, dont le misoprostol. En juillet dernier, ces pénuries étaient aussi au centre des alertes lancées par des collectifs féministes.
Qu’est-ce qui a été fait par les gouvernement depuis 2020 ? Comment expliquer le silence, l’attentisme et l’amateurisme de l’actuel ministre de la santé François Braun ?
Nous appelons les sénateurs et sénatrices membres de la commission d’enquête parlementaire sur les pénuries de médicaments et les choix de l’industrie pharmaceutique à se pencher au plus vite sur cette question et cet exemple particulièrement inquiétant. Nous attendons du gouvernement des éclaircissements sur son inaction et des mesures fortes pour défendre le droit à l’IVG et prévenir enfin efficacement les pénuries de médicaments.
En partenariat avec le Café Mona, OTMeds organise une table ronde sur cette question et sur la nécessité d’aborder les politiques pharmaceutiques le 22 avril à 18 h 30 à Paris. Plus d’information à ce lien.