Lundi 4 décembre, dans son interview pour la chaîne « Hugo Décrypte », le président de la République Emmanuel Macron a défendu le principe d’une politique de baisse des prix dans l’alimentation (voir l’extrait à ce lien) : « La bataille que l’on mène, c’est pour faire baisser les prix. (…) On a quelques groupes de l’agro-alimentaire qui font des surprofits et qui ont passé des hausses de prix massives. (…) On est dans un rapport de force, on est en train de les menacer et on prendra des décisions pour que les prix baissent. »
Ce même rapport de force, Emmanuel Macron refuse de l’entamer avec les industriels du médicament alors que la situation l’exige et que les prix des médicaments font l’objet de négociations dans un cadre conventionnel, ce qui rend l’action du gouvernement plus rapide et efficace qu’avec les prix de l’alimentaire. Les prix des nouveaux médicaments ne cessent d’augmenter, menaçant la pérennité du système de santé solidaire, alors même que l’argent public vient en soutient à de nombreuses étapes de la recherche et du développement des produits. De fait, nous payons les médicaments plusieurs fois, sans que l’industrie, qui bénéficie de ce soutien public, ne soit soumise à des contreparties. Dans le même temps, le gouvernement cède aux pressions des industries pharmaceutiques, ouvre la porte à une augmentation du prix de certains médicaments soi-disant pour empêcher les pénuries, alors même que dans des pays où ils sont plus chers, ces médicaments sont frappés des mêmes problèmes de disponibilité. Les profits des groupes ne sont pas du tout pris en compte dans le discours gouvernemental, contrairement à ce que fait le président de la République pour l’alimentaire.
Plutôt que de s’engager sur la voie de la transparence et d’une politique rationnelle de dépenses de santé, passant par une baisse des prix exorbitants exigés par l’industrie pharmaceutique, le gouvernement entend faire payer plus les malades et les usagers du du système de soins : augmentation des franchises médicales et des forfaits de consultation qui pénaliseront les plus malades, augmentation du prix de médicaments assumée par les individus, visant à faire payer à la population l’incapacité du gouvernement à endiguer les pénuries de médicaments essentiels, et privatiser le système de santé. Ces annonces s’accompagnent d’insultes envers les malades et de désinformation de la part du ministre de l’économie Bruno Le Maire.
Est-il légitime de payer des nouveaux traitements à plus de trois millions d’euros quand ils ont été développés avant tout grâce à de l’argent public ? Pourquoi l’administration en charge de négocier les prix des médicaments ne disposent-elles pas des informations nécessaires comme le coût de production, l’investissement réel des industriels dans le développement du médicament, les marges des intermédiaires, l’ensemble des aides publiques reçues ? Pourquoi le gouvernement ne prend-il pas toutes les dispositions nécessaires pour s’assurer de la pertinence des prix des médicaments, qu’ils soient nouveaux ou anciens, et pour les faire baisser quand nécessaire, alors qu’il dispose de nombreux outils pour ce faire, bien plus que dans le domaine de l’alimentaire ? Pourquoi attaquer les malades, les infantiliser, les faire payer au risque d’accroitre les renoncements aux soins et les inégalités en santé, sans jamais entamer le moindre rapport de forces avec les industriels du médicament ?
Il faudrait notamment évaluer la pertinence des prix des médicaments en s’appuyant sur des éléments rationnels, tels que ceux que nous avons listés dans notre check-list de la transparence. Ces prix sont de plus en plus exorbitants, alors même que les financements publics à la recherche et au développement aident, souvent massivement, les industriels dits privés. En mai 2019, les États-membres de l’Organisation Mondiale de la Santé adoptaient à l’unanimité une résolution appelant à faire la transparence sur ces informations pour permettre la fixation juste des prix des traitements. Dans son avis de novembre 2020 sur l’Accès aux innovations thérapeutiques, le Comité consultatif national d’éthique recommandait lui aussi la transparence afin que le régulateur retrouve du pouvoir dans les négociations. Dans son rapport rendu public le 6 juillet, la commission sénatoriale d’enquête sur les pénuries de médicaments et les choix de l’industrie pharmaceutique appelle à « conditionner les aides publiques et incitations fiscales à l’industrie pharmaceutique, améliorer la transparence quant à leur utilisation et leur évaluation qualitative » (Recommandation n°30, page 34). Cette transparence n’a toujours pas été faite et le gouvernement lance ces menaces contre l’accès aux soins sans éléments fiables pour guider sa politique.
La responsabilité d’un ministre serait ensuite de faire baisser le prix des traitements princeps (sous brevet) par les moyens légaux que le droit international et national autorise, comme la licence obligatoire, qui permet de produire ou d’importer des génériques d’un médicament encore sous brevet, et par la mise en place d’une production au moins en partie publique.