Les premiers mois d’activité du Comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires (COVARS) soulèvent de nombreux doutes et interrogations sur l’utilité réelle de cette instance.
Interrogations sur son activité
Le COVARS ne dispose pas d’un site dédié. Les compte-rendus des réunions ne semblent pas publiées. Pourquoi une telle opacité sur un sujet d’intérêt public ?
En près de trois mois d’existence, deux avis seulement ont été rendus publics, l’un sur le COVID, l’autre sur la variole du singe. Or, d’après le décret du 30 juillet 2022 qui l’institue, le COVARS a parmi ses missions « d’assurer une veille scientifique sur les risques sanitaires liés aux agents infectieux atteignant l’homme et l’animal, aux polluants environnementaux et alimentaires, et au changement climatique ». Le COVARS reste pour le moment silencieux sur l’essentiel des thèmes qu’il est censé expertiser. L’instance ne semble par exemple pas s’intéresser à la pénurie d’antibiotique qui frappe la France et qui a pourtant un impact lourd sur la prise en charge des risques infectieux. De même, l’instance ne semble pas avoir travaillé sur les multirésistances aux antibiotiques, pourtant définies par l’Organisation Mondiale de la Santé comme une des pires menaces pour l’humanité. A ce titre, elle devrait mobiliser l’attention d’une telle instance, afin d’émettre des recommandations sur les stratégies pour y faire face, notamment la recherche et la production publiques d’alternatives. Comment expliquer un tel silence ? Les moyens sont-ils suffisants pour faire à cette tâche ? Un calendrier de travail et de publication va-t-il enfin être publié ?
D’autre part, des propos publics de la présidente du COVARS, Brigitte Autran, interroge sur sa perception du mandat qui est le sien. Elle a par exemple déclaré au Journal du Dimanche le 4 décembre dernier : « Le retour du masque obligatoire est une décision politique et ce n’est pas à nous de le décider. » En effet, le COVARS n’est pas une instance décisionnaire. Mais le décret du 30 juillet 2022 indique bien qu’il a aussi pour mission : « d’émettre des recommandations sur les mesures envisagées par les autorités publiques afin de lutter contre une crise sanitaire. » Recommander ou non une mesure rendant le port du masque obligatoire dans certaines circonstance est donc pleinement de la mission du COVARS et nous ne comprenons pas que sa présidente l’esquive. Pense-t-elle réellement que fuir les débats clivants, chercher à ne fâcher personne, est la bonne stratégie pour éclairer le débat et l’action publique ?
Interrogations sur son refus de la démocratie sanitaire
Des représentant-es de la société civile et des associations de personnes malades font partie du COVARS. Mais ils et elles seul-es ne peuvent résumer la diversité et l’étendue de l’expertise de la société civile sur ces sujets majeurs. Or, la société civile ne semble pas avoir été auditionnée pour les deux avis publiés. Un collectif de personnes vivant avec le COVID long a ainsi regretté que, depuis la création du COVARS, il ne soit plus associé aux réflexions sur la question qui concerne directement ses membres. Pour l’avis sur la variole du singe, aucune audition d’associations de terrain, fer de lance contre cette crise, n’a été réalisée, alors que les recommandations de ce même avis insistent, par exemple page 25, sur la nécessité de travailler en lien étroit avec les associations. Comment accepter qu’en 2022, la démocratie sanitaire et la construction collective, avec les malades et la société civile, ne soient toujours pas un réflexe ? Brigitte Autran, qui vient de la lutte contre le sida, a-t-elle oublié à quel point la participation des personnes directement concernées est non seulement un devoir éthique et démocratique, mais aussi un garant d’efficacité ?
Notre observatoire a demandé à être auditionné par le COVARS, notamment sur les enjeux de pénuries, mais aussi sur les nécessaires recommandations à faire, au plus vite, pour que l’anticipation de nouvelles menaces sanitaires incluent une refonte de notre politique de recherche et industrielle. A quoi servirait en effet de repérer à l’avance des infections émergentes si notre système de recherche et de production pharmaceutique s’avère incapable de développer l’ensemble des outils, préventifs, diagnostics, thérapeutiques, pour y faire face ? Nous posions cette question au COVARS dans une tribune publiée par le Monde le 5 septembre dernier. Depuis, Brigitte Autran ne cesse de repousser cette demande d’audition. Le COVARS dispose-t-il des moyens pour auditionner les acteurs de la santé et des compétences suffisantes pour élaborer des recommandations sur ces enjeux vitaux et urgents pour se couper ainsi de nos travaux ?