Cette « Check-List sur la transparence » est un outil inédit pour mettre en œuvre la transparence dans les politiques du médicament et appeler Emmanuel Macron et son gouvernement à sortir de l’inaction.
Ce lundi 2 septembre, notre Observatoire diffuse un outil (disponible à ce lien) visant à montrer comment assurer la transparence dans les politiques du médicament. Cette publication a pour but de rappeler à Emmanuel Macron et son gouvernement leur engagement pris en mai dernier et qu’ils semblent avoir totalement oublié. Nous condamnons le silence et l’inaction des responsables politiques sur ce sujet. Nous appelons chacun-e à s’emparer de cet outil indispensable pour éclairer les politiques économiques de la santé, la recherche publique, ou encore les mobilisations aux urgences hospitalières.
Qu’est-ce que la “Check List de la transparence” ?
La check-list de la transparence est un document regroupant les informations que les pouvoirs publics doivent mettre à disposition de tous et toutes pour que soit effective la transparence sur les prix et la recherche et le développement des médicaments, vaccins, diagnostics et autres produits de santé. Ces informations sont regroupées en huit grands sujets101. Enregistrement des produits de santé / 02. Information sur les prix / 03. Information sur les brevets / 04. Essais cliniques / 05. Recherche et développement / 06. Pénuries et ruptures de stock / 07. Positionnement dans les institutions internationales et multilatérales et dans les accords multilatéraux/bilatéraux / 08. Conflits d’intérêts. pour lesquels doivent être mis en place des bases de données consultables en libre accès, fiables, c’est-à-dire alimentées et vérifiées par une institution publique et actualisées fréquemment.
L’objectif de ce document est de montrer qu’il est possible, en France, de mettre en œuvre la transparence, sans délais, à tous les niveaux de la chaîne du médicament. Certaines informations sont déjà disponibles : par exemple le prix affiché de la plupart des médicaments est publié au journal officiel. Mais les outils mis à disposition demeurent incomplets et imparfaits, et il n’existe pas de base de données regroupant l’ensemble de ces informations.
Par ailleurs, les financements des essais cliniques, de la recherche et du développement, y compris les aides accordées par l’État aux firmes pharmaceutiques, doivent être rendus publiques. Cela doit permettre de faire la lumière sur la part de la contribution publique à des médicaments et des produits de santé qui sont ensuite brevetés et commercialisés par des entreprises privées, et que le système d’assurance maladie doit acheter une deuxième fois. La mise à disposition centralisée de telles informations dans une unique base de données peut et doit être mise en oeuvre. Rien ne s’y oppose, une fois levé le manque de volonté politique.
Pourquoi la transparence ?
La transparence sur les médicaments et produits de santé est décisive pour l’avenir de notre système de couverture santé solidaire. Elle est essentielle pour :
- Informer sur les politiques de santé publique et d’économie de la santé
- Redonner le pouvoir dans les négociations des prix des médicaments et produits de santé aux pouvoirs publics
- Réorienter la recherche et le développement vers les besoins en santé des populations (et non plus uniquement des besoins de marché des firmes multinationales) et permettre une réflexion sur de nouveaux systèmes de recherche et de développement
- Réaffecter les ressources liées à l’achat de certains médicaments sous brevets et au prix exorbitants à d’autres postes de dépenses en santé (par exemple, services des urgences, personnel hospitalier, programmes de prévention, etc.)
- Augmenter les contributions aux organisations internationales favorisant l’accès aux traitements, comme le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme pour lequel les associations attendent toujours une annonce significative alors qu’elle accueille en octobre sa conférence de reconstitution.
Pourquoi publier cet outil aujourd’hui ?
Le 28 mai dernier, les pays membres de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) réunis à l’occasion de son assemblée mondiale (AMS) adoptaient une résolution historique portant sur la transparence sur les médicaments et produits de santé.
Lors des négociations sur ce projet de résolution, la France s’était distinguée par ses volte-faces répétées et son absence de ligne directrice claire. Elle a refusé de devenir le co-sponsor (= soutien officiel) de la résolution ou de s’opposer clairement au Royaume-Uni et à l’Allemagne qui ont tout fait pour vider le texte de sa substance ou faire échouer les négociations. Elle a publiquement mis en doute “l’applicabilité” de la résolution, alors que la seule condition d’une politique de transparence est la volonté politique. Ces atermoiements ont ainsi contribué à affaiblir le texte initial.
La France a malgré tout, sans réserves, approuvé le texte final. Mais trois mois après l’adoption par l’AMS de cette résolution, et malgré des interpellations répétées de la société civile, le gouvernement n’a toujours pas établi de plan de travail pour mettre en oeuvre la résolution en France.
A plusieurs occasions, par exemple lors de l’annonce par la ministre de la santé Agnès Buzyn d’un plan de lutte contre les pénuries de médicaments le même jour qu’un dîner informel du président avec l’industrie pharmaceutique, cet engagement semble même avoir été totalement oublié. Le gouvernement d’Emmanuel Macron doit trouver une ligne politique claire en matière de politiques du médicament afin de favoriser l’intérêt public, celui d’une politique de santé publique ambitieuse, détachée de tout conflit d’intérêts avec les multinationales pharmaceutiques.
Quels débats ne peuvent plus avoir lieu sans des informations transparentes sur les prix des médicaments ?
En matière de santé, les politiques d’austérité menées au nom du combat contre le déficit de la Sécurité sociale ont sans cesse fait porter les efforts d’économie sur les usager-es du système de soins, notamment les personnes vivant avec des maladies graves et les personnes les plus précaires : augmentation du forfait hospitalier, franchises médicales, déremboursement sans raison médicale, accroissement du reste à charge, etc. Jamais la légitimité et la pertinence des prix pourtant indus imposés par l’industrie pharmaceutique n’ont été évaluées. Ce sont pourtant ces prix illégitimes qui sont une des premières causes du déficit de l’Assurance maladie. Comment peut-on encore accepter, alors que les plus précaires renoncent aux soins, de ne pas s’assurer que les prix des médicaments pour lesquels on démantèle notre système de santé solidaires ne soient pas jugés en toute transparence ?
Ainsi les pouvoirs publics annoncent-ils une nouvelle réforme privant un peu plus les étrangers sans-papier de leur couverture santé : l’Aide Médicale d’État. Mais pourquoi baisser la qualité des soins, menacer la santé déjà précaire de personnes vulnérables, porter atteinte à la santé publique en empêchant le dépistage précoce de maladies quand on n’a pas évalué la légitimité d’un poste important de dépenses : le prix des médicaments, vaccins, diagnostics et autres produits de santé.
Ainsi les pouvoirs publics refusent-ils de prendre en considération la mobilisation des services d’urgence, dont 200 sont aujourd’hui en grève, apportent des réponses hors-sol et déconnectées de toute la réalité dramatique du terrain, alors que des économies massives sont possibles si on juge de la pertinence des prix exorbitants des médicaments, qu’on les baisse et qu’on réaffecte les ressources sur du personnel, des lits, bref des dépenses légitimes.
On le voit, la transparence dans les politiques du médicament est vitale, et derrière la technicité du sujet, qui sert souvent d’alibi aux responsables, se cache un enjeu très simple : la priorité à la santé comme bien public.
L’inaction coupable d’Emmanuel Macron et de son gouvernement
Début juillet, l’Observatoire a communiqué des demandes de rendez-vous aux ministres concerné-es, Mmes Buzyn, Vidal et M. Le Drian. Nous souhaitons leur présenter cet outil et nos propositions pour qu’elles et il concrétisent l’engagement pris par la France en mai dernier. Ces demandes sont restées sans réponse. Ce gouvernement acceptera-t-il encore que l’argent public, celui de nos impôts, soit si mal utilisé ? Jusqu’à quand pense-t-il possible d’entraver l’accès aux soins des plus précaires, de dégrader les conditions de travail des personnels hospitaliers, de sacrifier le bien public pour un système qui ne profite qu’à une poignée d’actionnaires de l’industrie pharmaceutique ?
Nous condamnons l’inaction d’Emmanuel Macron et de son gouvernement, qui, au lieu d’assurer la transparence promise sur des politiques vitales, annonce de nouvelles mesures d’austérité, par exemple dans le cadre du vote de la loi sur le budget de la Sécurité sociale. Nous demandons aux ministres concerné-es de nous recevoir, afin que nous leur présentions l’outil qu’il était de leur devoir de concevoir, et que notre Observatoire a pris l’initiative de réaliser parce qu’il nous paraît vital et urgent d’agir, vite, pour de meilleures politiques publiques en santé. Nous appelons chacun-e à se saisir de cet outil – il est en Licence Creative Commons pour permettre de l’améliorer – et de contribuer à ce que la question des prix indus des traitements occupe enfin en France la place qu’elle mérite.
Notes
- 101. Enregistrement des produits de santé / 02. Information sur les prix / 03. Information sur les brevets / 04. Essais cliniques / 05. Recherche et développement / 06. Pénuries et ruptures de stock / 07. Positionnement dans les institutions internationales et multilatérales et dans les accords multilatéraux/bilatéraux / 08. Conflits d’intérêts.