Nous diffusons une lettre envoyée lundi aux fondateurs du nouveau groupe parlementaire leur demandant de soutenir la création d’un pôle public du médicament, et restée sans réponse.
Paris, le 18 mai 2020
Mathieu Orphelin
Mme Paula Forteza
Objet : consultation « Le jour d’après » et production locale publique de médicaments
Madame la députée, Monsieur le député,
Nous vous sollicitons afin de vous alerter sur un manque dans vos trente propositions du « Jour d’après » et sur l’opportunité qui vous est offerte de le combler de façon très pragmatique, dès maintenant.
La cinquième de ces propositions évoque la relocalisation de la production du seul matériel médical, plus précisément du matériel de protection. Vous ne précisez pas si cette production doit être publique ou privée. Votre argumentaire évoque les pénuries de médicaments comme un indice de la perte de souveraineté industrielle et sanitaire, mais n’en tire pas les conséquences attendues puisque vous ne mentionnez qu’une production de « matériel médical » relocalisée.
Or, les pénuries de médicaments, de dépistage, comme celles des masques, des écouvillons, des surblouses, ne peuvent être réellement combattues que par une production locale publique. C’est bien la privatisation de la recherche et de la production des biens de santé qui a entrainé les délocalisations, visant à maximiser les profits des actionnaires.
Les pénuries de médicaments n’ont pas pour cause première l’épidémie de COVID-19 et l’explosion de la demande mondiale de sédatifs, de curares, d’antibiotiques, etc. Celle-ci a révélé notre faiblesse structurelle. Les pénuries de médicaments étaient en hausse constante depuis 15 ans. Les pouvoirs publics en ont recensé 44 en 2008, et 12 fois plus en 2017. Parce que nous dépendons à 80 % de puissances étrangères pour la fabrication de la matière première ou des produits finis, parce que les médicaments, les réactifs des tests, les masques, les surblouses, ont été soumis aux lois du marché, nous avons laissé des multinationales dicter leurs intérêts et ne pas répondre aux besoins des populations.
Pendant plusieurs semaines, le dépistage n’a pas été disponible, notamment pour les salarié-es encore en activité, les personnels des EHPAD et des hôpitaux. Combien de contaminations auraient-elles pu être évitées avec un dépistage plus étendu ? Les soignant-es ont dû gérer la pénurie de produits essentiels en réanimation, soins palliatifs, gériatrie, rabaisser les standards de soins, priver des mourants du produit de sédation de référence. Il s’agit d’une véritable remise en cause du droit à la santé et à mourir dans la dignité. Si le pire a été évité grâce au professionnalisme des soignant-es, qui ont été exténués par le système D permanent et les dilemmes éthiques que cette situation a provoqués, on ne peut en tirer aucune satisfaction.
L’urgence est toujours là. Les causes profondes n’ont pas été combattues ces dernières semaines. La baisse des admissions en réanimation peut s’inverser du fait d’une éventuelle nouvelle vague ou du report de la prise en charge de patient-es souffrant d’autres pathologies. Des opérations repoussées vont se concentrer sur les prochaines semaines, faisant peser de nouvelles tensions sur les curares.
Le géant Sanofi, sous perfusion d’aides publiques qui font porter à la fiscalité, et non à l’argent des actionnaires, le risque inhérent à la recherche et au développement, a exercé de nouvelles pressions la semaine dernière pour obtenir encore plus d’argent. Au début du mois d’avril, alors que tout le monde s’inquiétait des tensions de médicaments de réanimation, l’industrie conditionnait une relocalisation à une hausse des prix des traitements, déjà exorbitants et illégitimes, et une amélioration des incitations fiscales.
Vous le voyez, n’évoquer que la production de matériel médical, c’est manquer une part essentiel du problème. Et proposer une simple relocalisation, c’est laisser la santé dans le giron du privé, c’est se soumettre au chantage des actionnaires. Nous avons besoin d’une production publique de médicaments, de vaccins, de tests, de produits de santé. Ils doivent échapper à la loi des brevets, des profits, de l’offre et de la demande pour répondre aux impératifs sanitaires.
Il vous est possible de combler cette lacune de façon très concrète. Plusieurs propositions de loi ont été déposées à l’Assemblée nationale, visant justement la création de ce pôle public du médicament. Nous vous transmettons le communiqué que nous avons rédigé en soutien à ces textes. L’un d’entre eux sera discuté en commission le 26 mai. Soutenir cette proposition dès maintenant, publiquement, permettrait de montrer que toutes les conséquences de la crise ont été tirées, et que le jours d’après n’est pas un slogan politicien de plus, mais bien une urgence concrète qui se prépare maintenant, au-delà des réflexes partisans et dogmatiques, en ayant pris conscience des leçons enseignées par la crise sanitaire que nous traversons .
En restant à votre disposition pour plus d’information, nous vous prions d’agréer l’expression de nos salutations distinguées,
Pauline Londeix et Jérôme Martin
Co-Fondatrice et co-fondateur