Alors que s’ouvrent en séance plénière à l’Assemblée nationale les débats sur le PLFSS pour 2021, nous appelons les député-es à voter pour les amendements instaurant une transparence complète sur les politiques du médicament.
Plusieurs amendements sur la transparence, dont certains s’inspirent de notre travail, vont être débattus : transparence sur les financements publics de la recherche, déjà votée l’année dernière, mais aussi transparence sur les autres dépenses et prise en compte par le régulateur pour la fixation des prix, transparence sur l’origine des matières premières, sur tous les aspects du diagnostic, déclenchement automatique d’une licence obligatoire pour recourir à des génériques moins chers si le laboratoire refuse de communiquer les informations exigées.
De telles dispositions sont indispensables. Les derniers mois l’ont encore montré. L’opacité dans les politiques du médicament et produits de santé peut avoir des conséquences dramatiques dans la capacité des pays dont la France à faire face à la crise sanitaire majeure que nous traversons :
- Elle ralentit le développement des vaccins dont nous avons besoin
- Elle empêche de savoir où vont les milliards d’argent public dépensés dans les essais autour du COVID-19, et de négocier des prix tenant compte de l’investissement public
- Elle entraine des ruptures et pénuries sur la chaine du médicament et laisse sans traitements vitaux services de réanimation, de gériatrie et de soins palliatifs, ou encore des malades qui ne trouvent plus les anti-cancéreux avec lesquels ils se soignent.
- Elle concerne aussi les outils diagnostics et a conduit l’exécutif à mener une politique de dépistage à vue, sans aucune cohérence, alors qu’ une véritable politique de tests, accompagnée de contacts tracing, pourrait considérablement aider à contenir la propagation du virus.
Aujourd’hui, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 (PLFSS pour 2021) est présenté en première lecture à l’Assemblée nationale. Ce texte perpétue l’austérité, il achève le travail de destruction de l’hôpital public et des urgences. Il obéit au lobby des multinationales du médicament, comme le prouve la communication victorieuse du LEEM le 7 octobre dernier, sur twitter, alors même que les député-es d’opposition n’avaient toujours pas reçu le texte définitif. L’article 17 notamment, prévoit de nouvelles aides aux firmes déjà gavées d’argent public sur lequel elles ne rendent aucun compte, pendant qu’on supprime des moyens vitaux à l’hôpital public et au système de santé.
Comme l’année dernière, l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament a donc proposé plusieurs amendements aux parlementaires, tout groupe politique confondu, leur demandant de défendre la transparence sur toute la chaine de recherche, développement, production et commercialisation des médicaments et produits de santé, et rendant automatique la licence obligatoire en cas de refus de l’industire à communiquer les informations. L’objectif est pour le pays d’être en mesure de mener une réelle politique sanitaire, d’accès aux soins, au dépistage et de lutter contre les pénuries.
Ne pas régresser par rapport à l’année dernière
L’année dernière déjà, nous proposions différents amendements qui s’appuyaient sur une « check-list de la transparence » divisée en huit parties, que notre organisation avait développée avec différents experts internationaux.
A l’automne 2019, un amendement, reprenant des éléments sur lesquels nous demandions la transparence a été adopté par le parlement et en lecture finale du texte à l’Assemblée nationale. Mais pour des raisons de forme, il a finalement été invalidé fin décembre par le Conseil constitutionnel. Pourtant, forts du vote transpartisan à l’Assemblée et au Sénat, le gouvernement, et notamment Agnès Buzyn, puis Olivier Véran, qui était co-rapporteur du projet en octobre 2019 et avait co-rédigé l’amendement transparence avec les députées Caroline Fiat (LFI) et Caroline Janvier (LREM), avaient toute lattitude pour mettre en place la transparence par décret – ce qui s’est fait en Italie. Ils ne l’ont pas fait. Pourtant, c’est parce qu’Olivier Véran et le gouvernement avaient attendu la deuxième lecture à l’Assemblée nationale pour soutenir la transparence que l’amendement avait été censuré par le Conseil constitutionnel. L’actuel ministre de la santé porte donc une responsabilité particulière dans le retard pris par la France pour faire toute la lumière sur les financements publics à la recherche, donc dans les conséquences de l’opacité qui se sont manifestés
Toute nouvelle manœuvre dilatoire renforcera cette responsabilité, aggravée par le contexte de la crise sanitaire et sa non-gestion par le ministère de la santé. Cet amendement a déjà été voté. Il doit donc être mis en application au plus vite. Comme il est présenté à nouveau, dans la même formulation que l’année dernière, et qu’il a été adopté en commission la semaine dernière, le ministre peut et doit le soutenir dans une version qui ne mentionne plus un an pour un décret d’application – ce qui nous renverrait à janvier 2022, six mois avant des élections. Si un nouveau vote garantit une inscription dans la loi et plus de pérennité, il n’est en rien indispensable pour agir au plus vite. Inversement, si le ministre venait à refuser cet amendement au motif qu’il entend procéder par décret, il devrait expliquer pourquoi il ne l’a pas fait auparavant et prouver sa bonne foi en publiant ce décret ce mois-ci.
L’urgence de faire la transparence sur tous les plans
Le vote de l’année dernière était historique. Mais cet amendement seul est insuffisant. D’une part, il est indispensable de prendre en compte toutes les informations économiques autour des médicaments, diagnostics et produits de santé, notamment faire la lumière sur les dépenses réelles des firmes. D’autre part, ces informations ne doivent pas être fournies à titre purement indicatif. Elles doivent être prise en compte lors de la fixation du prix.
De plus, la lumière doit être faite sur toute la chaine du diagnostic, sur le prix des réactifs, sur les plateformes utilisées pour les tests dans les laboratoires (plateformes ouvertes, permettant l’utilisation de n’importe quel réactif ; ou fermées, soumises à une marque, donc inutilisables quand le réactif de cette marque n’est plus disponible). Alors qu’en 10 mois de crise sanitaire grave, le gouvernement s’avère incapable de mettre en place une politique de dépistage efficace, il serait incompréhensible que lui ou le Parlement rejettent l’amendement qui fournit les bases d’une politique de dépistage efficiente.
Enfin, un autre amendement demande de faire la lumière sur l’origine de la matière première, les coûts réels de production, la disponibilité des stocks mis en place par les industriels. En cas de non respect des quantités de stocks exigées des industriels, la réquisition des moyens de production présents sur le territoire national est automatique, afin de permettre la production des médicaments nécessaires. Là encore, au vu de l’explosion des pénuries depuis 10 ans, au vu de ce qu’ont vécu malades du COVID et soignant-es en mars, avril et mai, il serait incompréhensible que la majorité et le gouvernement rejettent cet amendement.
C’est pourquoi, nous demandons :
- Au parlement d’adopter l’amendement de l’année dernière, en y retirant tout délai d’application, et à Olivier Véran d’enclencher immédiatement la rédaction de son décret d’application, et ce, quelle que soit l’issue du débat parlementaire.
- Au parlement à l’exécutif de soutenir tous les autres amendements à l’article 38 ou après mettant en place la transparence sur toute la chaine du médicament, et pas seulement sur les financements publics.
- De supprimer l’article 17 qui propose de nouvelles « aides » aux multinationales pharmaceutiques.