Opacité sur le prix des médicaments : à quoi joue Agnès Pannier-Runacher ?

Publié le 22 octobre 2020 Dans la catégorie : Communiqués de presse

Mercredi 21 octobre, la ministre déléguée à l’industrie annonçait travailler à améliorer la compétitivité des industries de santé – il faut comprendre, prévoir de nouvelles aides publiques pour des firmes pharmaceutiques déjà gavées, en toute opacité, sans avoir à rendre de comptes ni répercuter ces aides sur les prix.

Ce même jour, dans une dépêche AMP, Agnès Pannier-Runacher indiquait que des crédits et des arrangements au sein de l’accord-cadre définissant les modes de fixations de prix des médicaments étaient envisageables afin de satisfaire à nouveau les demandes des industriels. L’accord cadre conclu entre le CEPS (Comité économique des produits de santé) et le Leem (représentant les intérêts des industriels) est en cours de renégociation, dans la plus grande opacité.

La France s’est engagée à faire toute la transparence sur la chaîne du médicament en appuyant une résolution de l’Organisation Mondiale de la Santé de 2019, engageant les États-Membres à faire toute la lumière sur les subventions publiques à la recherche, les dépenses réelles des industriels, et d’autres informations essentielles. Plusieurs amendements au PLFSS 2021 visant à concrétiser cette transparence en France seront débattus d’ici la fin de la semaine à l’Assemblée nationale. Certains sont présentés par la majorité. Ils visent à faire toute la lumière sur les aides publiques reçues, les dépenses réelles des firmes dans la recherche et le développement, le coût et l’origine des matières premières et des principes actifs des médicaments afin que le régulateur public, notamment le CEPS, ait plus de pouvoir pour en négocier les prix.

Pourquoi, par exemple paierait-on une deuxième fois, à un prix exorbitant, une molécule découverte avec des aides publiques ? C’est le cas du Zolgensma, médicament acheté par l’État pour le moment à près de deux millions d’euros l’injection en attendant son autorisation de mise sur le marché, et dont le CEPS devra bientôt étudier le dossier. Cette molécule a pourtant été découverte grâce à l’Inserm et l’argent du Téléthon, en grande partie défiscalisé. Les exemples de médicaments que nous payons deux fois sont légion.

Alors que le budget de l’hôpital est encore, dans les faits, réduits, au nom d’une logique de maitrise des dépenses publiques qui ne s’est jamais appliquée aux aides publiques aux industriels, alors que la France est tenue par son soutien à la résolution Transparence de l’OMS, alors que l’exigence de transparence se manifeste partout dans la société, alors qu’elle se décline sous une forme transpartisane, encore timide, mais indéniable, à l’Assemblée nationale, il est anormal que la ministre de l’industrie tourne le dos aux députés de sa majorité et joue le jeu de l’opacité.

Son ministère n’est-il qu’un guichet qui signe des chèques en blanc aux firmes pharmaceutiques sans aucune attention à la façon dont l’argent est utilisé, ni aux besoins réels du système de santé ? Va-t-elle cautionner une négocation entièrement tournée vers les caprices des industriels ? Pourquoi n’annonce-t-elle pas que l’accord-cadre doit imposer aux firmes de fournir toutes les informations nécessaires pour évaluer la pertinence des tarifs des traitements ? Se satisfait-elle d’une situation qui nous fait payer deux fois les médicaments, ruine notre système de santé et l’hôpital public ?

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