Pourquoi la France à l’OMC s’oppose-t-elle à faire des vaccins des biens communs ?

Publié le 15 février 2021 Dans la catégorie : Communiqués de presse , , ,

Pour un droit effectif et universel à la santé, par éthique et par pragmatisme, la France doit maintenant soutenir les propositions des pays en développement à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) demandant de lever les droits de propriété intellectuelle sur les technologies développées contre le COVID-19.

Des actes contraires aux promesses

Depuis un an, Emmanuel Macron s’est exprimé à de nombreuses reprises et sans ambiguïtés en faveur des vaccins contre le COVID-19 comme biens communs1Le 4 mai 2020, dans sa déclaration sur la Conférence de financement de l’initiative ACT-A face à la pandémie de Covid-19, le président de la République affirme : «Au coeur de cette initiative, il y a la décision aussi que nous devons collectivement porter, que ce vaccin, le jour où il sera mis au point, sera un bien public mondial. C’est-à-dire qu’il n’appartiendra à personne, mais il nous appartiendra à tous.» Le 12 novembre 2020, il intervenait à la session ACT-A du forum de Paris et appelait à ne pas répéter les erreurs de la lutte contre le sida « où pendant trop longtemps les traitements étaient au nord et les patients au sud ».. Pourtant, il refuse de traduire ces promesses en actes politiques et juridiques. Au contraire, au sein de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), la France et la commission européenne s’opposent à toutes les propositions des pays en développement, et notamment celle de l’Inde et de l’Afrique du Sud déposée le 2 octobre 2020, qui demande à ce que les droits de propriété intellectuelle soient levés sur les technologies développées contre le COVID, comme les vaccins, les tests et les candidats traitements.

Un contexte sans ambiguïté

L’industrie pharmaceutique des pays du nord a échoué à produire en quantité suffisante les doses de vaccins promises, et ce malgré les milliards d’euros et de dollars publics injectés depuis un an. Il s’agit de notre santé, de notre argent : cela devraient êtres nos vaccins. Jamais le système des brevets n’a à ce point montré son illégitimité et son inefficacité.

Les initiatives comme COVAX, censées permettre un accès aux vaccins dans les pays en développement, sont à ce jour des échecs. Malgré les objectifs de mettre 2 milliards de doses à disposition des pays du sud d’ici fin 2021, les sources d’approvisionnement en vaccins sont jusqu’ici préemptées par les pays du nord2Comme l’a rappelé le 9 décembre la coalition d’ONGs People’s Vaccine Alliance, la totalité des doses du vaccin Moderna et 96 % de celles de Pfizer BioNTech ont été acquises par les pays riches. Les ONG estiment que fin 2021, 9 personnes sur 10 en Afrique n’auront pas été vaccinées.

Droit à la santé et éthique piétinée

Cette situation révèle une fois encore à quel point la privatisation de la production des biens de santé et l’opacité qui l’entoure entravent un droit à la santé effectif et universel. C’est aussi l’éthique qui est piétinée. Nombre des essais cliniques sur les candidats vaccins sont pratiqués sur le continent africain, qui remplit donc sa part d’effort pour la recherche en exposant une partie de sa population aux risques inhérents à des études sans pouvoir ensuite faire profiter des bénéfices de la recherche à l’ensemble des citoyens.

Manque de pragmatisme

C’est enfin la lutte contre la pandémie qui est compromise. Cette menace est globale, elle ne peut être jugulée que si l’ensemble de la population mondiale peut avoir accès aux vaccins – et ce en espérant qu’ils stoppent la transmission et donc qu’ils soient efficaces au niveau populationnel, y compris contre les différents variants. En l’oubliant ou en l’ignorant, Emmanuel Macron et la commission européenne ne piétinent pas seulement le droit à la santé et l’éthique. Ils font preuve d’un manque de pragmatisme qui va permettre à la pandémie de se maintenir.

La France doit maintenant soutenir de tout son poids les propositions des pays en développement à OMC demandant de lever les droits de propriété intellectuelle sur les technologies développées contre le COVID-19. Dans le cas contraire les déclarations d’Emmanuel Macron et de Jean-Yves Le Drian, autour des vaccins comme « biens communs », ne resteront que de tristes provocations envers des pays pauvres contraints de lutter sans moyens supplémentaires, sans les technologies existantes contre cette pandémie, et interdites de les produire localement à cause des barrières de propriété intellectuelle de l’OMC, que la France cherche à maintenir.


Notes

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