Ce lundi 15 mars, le président de la République a annoncé la suspension provisoire de la vaccination pour 24 heures du vaccin d’AstraZeneca, en attendant une nouvelle position de l’Agence européenne du médicament ce mardi. Une telle décision suscite légitimement des inquiétudes et des besoins d’explication. Nous rappelons les faits et le contexte pour des débats rigoureux.
Le 8 mars, l’Autriche a suspendu l’utilisation du lot ABV5300 du vaccin AstraZeneca suite à la survenue de deux cas graves de trouble de la coagulation tels que des événements thrombo-emboliques, dont un cas de décès, en attendant une enquête des autorités sanitaires. Plusieurs pays européens ont par la suite pris la même décision.
Le 10 mars, l’Agence européenne du médicament (EMA) faisait le point sur les remontées des effets indésirables. Elle recensait « 30 cas [de coagulation] en Europe parmi 5 millions de personnes vaccinées avec le vaccin AstraZeneca ». Ce nombre de cas de ces troubles n’est « pas supérieur chez les patients vaccinés au nombre observé dans la population générale ». En attendant les résultats définitifs de son enquête pour voir s’il s’agit d’une corrélation ou s’il y a causalité, elle a recommandé de maintenir la vaccination avec ce produit.
Le 12 mars, l’Agence française du médicament (ANSM) reprenait la même recommandation : « rien n’indique à ce stade qu’il y a un problème spécifique avec le lot ABV5300 ni que la vaccination a provoqué ces effets, qui ne figurent pas parmi les effets secondaires de ce vaccin. » L’Agence précise porter :
une attention toute particulière aux évènements thrombo-emboliques. Parmi les cas d’effets indésirables recueillis en France concernant le lot ABV5300 depuis le début de la vaccination, il n’y a pas de cas de décès, pas de cas de mise en jeu du pronostic vital et il n’y a pas non plus de cas de thrombose et de thrombopénie.
Ce lundi 15 mars, le président de la République a annoncé la suspension provisoire de la vaccination par le produit d’AstraZeneca pour 24 heures, en attendant une nouvelle position de l’Agence européenne du médicament.
Une telle décision suscite légitimement des inquiétudes et des besoins d’explication. Les débats doivent tenir compte des points suivants :
- La culture de santé publique en France n’est pas très étendue, notamment chez les responsables politiques et au sein des médias. La crise en cours devrait être l’occasion de combler ce retard. Il est par exemple indispensable de faire la différence entre corrélation et causalité, principe de précaution et preuves médicales, recommandation d’instances sanitaires et décision politique, pour comprendre l’enchaînement de décisions qui sinon peuvent paraître contradictoires.
- C’est d’autant plus indispensable que la pandémie nous a mis face à un dilemme. D’un côté, nous avons besoin rapidement de produits à même de réduire notre vulnérabilité face à la crise sanitaire. De l’autre, l’urgence d’une recherche rapide limite les données produites par les essais sur l’efficacité ou les effets indésirables à moyen ou long terme sur ces produits. Qu’un vaccin comme celui d’ AstraZeneca soulève des inquiétudes qui amènent à de telles décisions n’est donc pas surprenant. L’impatience et l’inquiétude sont légitimes, mais le temps nécessaire à la recherche et à la remontée de données fiables ne sont pas compressibles. Il est donc indispensable de rester prudents dans les réactions.
- Un autre dilemme complique le débat. D’un côté, nous devons accepter les inquiétudes légitimes du grand public sur la politique vaccinale française face à une recherche compressée et soumise aux intérêts privés. La sécurité sanitaire est essentielle. Il est donc indispensable de ne pas sous-estimer de possibles effets indésirables graves. De l’autre, il faut prendre conscience de l’instrumentalisation politicienne de ces inquiétudes légitimes par des groupes anti-vaccins, et refuser toute confusion grave, par exemple entre corrélation et causalité, qui nourrirait l’idée que les vaccins sont en eux-mêmes inefficaces et dangereux.
- Le débat serait plus apaisé si le gouvernement construisait la confiance vaccinale par la transparence (sur toute la chaine des produits pharmaceutiques, depuis la recherche jusqu’à leur mise à disposition) et par la pédagogie. Le débat serait aussi plus apaisé si le gouvernement menait une politique industrielle répondant aux besoins de la population, reprenant la main sur la production privée par la levée des brevets et des réquisitions des sites de production. Au lieu de cela, le gouvernement est resté dépendant des groupes privés, a externalisé sa stratégie vaccinale à des sociétés de conseil et l’a réduite à des coups de communication.