Retraites : non à l’instrumentalisation des luttes LGBTQI pour justifier la réforme

Publié le 29 mars 2023 Dans la catégorie : Communiqués de presse

Mardi 28 mars 2023, Pauline Londeix et Jérôme Martin, co-fondatrice et co-fondateur d’OTMeds, ancienne vice-présidente et ancien président d’Act Up-Paris publient une tribune sur le site de Libération pour dénoncer l’instrumentalisation gouvernementales des luttes LGBT dans le cadre de leur politique de démantèlement des retraites. 

La semaine qui vient de s’écouler a été marquée par plusieurs tentatives d’instrumentalisation des luttes LGBTQI de la part du gouvernement et de sa majorité pour tenter de défendre le démantèlement des retraites.

Le lundi 20 mars au sein de l’Hémicycle, Aurore Bergé a ainsi fustigé la Nupes qui allait voter la motion de censure présentée par Charles de Courson, un opposant notoire au mariage pour tous. Elle utilisait ainsi les droits des personnes LGBTQI pour essayer de discréditer cette motion de censure. Vendredi 24 mars, Olivier Dussopt réalisait son coming out dans le magazine Têtu, dans une tentative de diversion. Samedi soir, sur France 2, Olivier Véran comparait le démantèlement des retraites à la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes homosexuelles (1). Qu’Olivier Véran ose comparer une loi brutale et injuste qui constitue une régression sociale majeure à une loi qui a permis l’ouverture de droits pour de très nombreuses personnes est abject et constitue un piétinement de notre communauté, de son histoire, de nos luttes, de nos vies.

Le combat mené collectivement pendant quinze ans

Nous ne pouvons accepter une telle instrumentalisation de nos luttes. De 1998 à 2013, nous avons participé et porté des mobilisations collectives pour placer les droits et les vies méprisées des personnes LGBTQI au cœur de l’agenda politique et citoyen. Ce combat s’inscrivait dans l’urgence du sida, de l’hécatombe qu’il a provoquée dans notre communauté, aggravée par le refus de reconnaître les droits, avec toutes les conséquences que cela impliquait en matière de couverture maladie, de logement, d’accès à des revenus et de droit au séjour. Prendre position pour nos droits était vital : nos revendications ne sont pas purement symboliques mais s’ancrent dans une réalité – pour l’un de nous, se voir refuser par sa famille homophobe l’accès à l’enterrement de l’homme qu’il aimait, mort du sida, pour l’autre, pouvoir vivre avec la femme que l’on aime, étrangère non européenne, sans crainte qu’elle soit expulsée. Nos vies en dépendent.

Ces luttes ont été menées dans un climat de forte hostilité de la part du monde politique. Nous avons occupé les locaux du Parti socialiste en février 2006 pour sommer les dignitaires socialistes de défendre des mesures d’égalité, après plus de neuf mois d’indifférence à nos interpellations et de condescendance, nous leur avons rappelé cette urgence matérielle. Le combat mené collectivement pendant quinze ans, particulièrement par Act Up-Paris a rendu l’ouverture du mariage évidente et largement populaire.

A l’inverse, le démantèlement des retraites est refusé par l’écrasante majorité des citoyen·nes. Cette loi, imposée à coup de 49-3 au Parlement, et à coups de matraque et de répression violente dans les rues, est partie prenante d’un projet de destruction de notre modèle de protection sociale. Ce sont nos retraites, mais aussi le système de santé, l’assurance maladie, le chômage, nos services publics qui sont attaqués. Olivier Véran, soutier depuis plus de dix ans des politiques d’austérité qui menacent le système hospitalier de destruction, ose comparer ses croisades contre les services publics et la protection sociale solidaire aux luttes LGBTQI. Cette déclaration samedi sur France 2 constitue une énième provocation et manifestation de la falsification du langage à laquelle le président Macron et sa majorité se livrent sans cesse. Et c’est une instrumentalisation homophobe, un piétinement de nos droits : nous ne pouvons tolérer que nos luttes soient les jouets de politiciens en manque de légitimité démocratique.

Les LGBTQIphobies continuent de structurer l’action de ce gouvernement

Car qui peut oublier à quel point les LGBTQIphobies continuent de structurer l’action de ce gouvernement ? Gérald Darmanin, compagnon de route de la Manif pour tous, est ministre de l’Intérieur, lui qui a passé des mois à combattre l’égalité des droits, et a déclaré que maire, il refuserait d’appliquer la loi républicaine. La majorité socialiste à laquelle appartenait Olivier Véran, a accepté de longs débats au Parlement, un vote, des concessions aux groupes d’extrême droite comme le refus d’ouvrir la PMA aux couples de même sexe. La majorité actuelle, à laquelle appartiennent Olivier Véran et Aurore Bergé, refuse encore la PMA aux personnes trans, attend que des associations saisissent la justice pour que des moyens réels soient donnés à l’éducation sexuelle et affective à l’école, à l’heure où des jeunes de 10 ans victimes de harcèlement homophobe se suicident dans nos écoles. Des personnes gays, lesbiennes, bis, trans sont menacées d’expulsion vers des pays où elles seront réprimées (2), voire tuées, et s’enorgueillit d’un nouveau projet de loi anti-immigrés qui aggravera encore la situation.

Enfin, la réforme des retraites frappera particulièrement les personnes LGBTQI, dont le parcours professionnel est plus souvent marqué par les discriminations, les refus d’embauche, mais aussi les arrêts maladies plus fréquents dans des communautés marquées depuis 40 ans par le VIH-sida. En 2020, d’ailleurs, l’âge moyen auquel les personnes touchées par le virus mouraient était de 62 ans. Retarder l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans et appeler, dans le même temps, comme le ministre Dussopt l’a fait samedi, à donner au Sidaction, est ainsi tout particulièrement méprisable.

Cette instrumentalisation de nos luttes pour justifier cette réforme est abjecte, et ce tour de passe-passe ne laissera personne dupe. Comme si détruire notre système des retraites n’était pas suffisant, ce gouvernement piétine notre communauté, son histoire, ses luttes, et nos vies.

(1) Sur le plateau de l’émission Quelle époque ! «J’ai connu des grosses manifestations en 2012 quand on a fait la loi sur le mariage pour tous. Pardon, comparaison n’est pas raison. Mais quand vous aviez 350 000 personnes enregistrées par la police dans les rues de Paris, je n’ai pas eu de journaliste qui m’interrogeait pour me dire : “Pourquoi est-ce que vous ne reculez pas sur cette question-là ?”»
(2) Voir aussi ici et .
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