Quelques rappels pour analyser les annonces d’Emmanuel Macron ce soir

Publié le 28 octobre 2020 Dans la catégorie : Communiqués de presse

Pour analyser les annonces de ce soir, il est indispensable d’avoir en tête un certain nombre de faits concernant les choix politiques pris depuis janvier. C’est bien la situation dramatique dans laquelle nos hôpitaux et services d’urgence ont été laissés, engendrant une fuite du personnel soignant, qui entraine aujourd’hui une telle saturation des services et rend un reconfinement inévitable.

Le Président de la République va annoncer ce soir de nouvelles mesures contre le COVID-19. Une nouvelle forme de confinement semble aujourd’hui inévitable. Pour analyser ces annonces, il est indispensable d’avoir en tête un certain nombre de faits concernant les choix politiques pris depuis janvier. Car c’est bien la situation dramatique dans laquelle nos hôpitaux et services d’urgence ont été laissés, engendrant une fuite du personnel soignant, qui entraine aujourd’hui une telle saturation des services et rend un reconfinement inévitable. L’ironie est que ce sont les politiques d’austérité menées depuis des années qui aujourd’hui menacent de paralyser l’activité économique de notre pays. Si la première vague n’était pas prévisible, personne ne pourra prétendre que celle-ci ne l’était pas.

Des services hospitaliers au bord du gouffre

Face à l’augmentation alarmante de l’épidémie, le confinement est aujourd’hui rendu nécessaire par la saturation des services hospitaliers. Si celle-ci n’est en rien une fatalité1Depuis vingt ans, des politiques d’austérité frappent le système de soins, et notamment l’hôpital public. Depuis deux ans, les personnels hospitaliers tirent la sonnette d’alarme, un mouvement de grève des urgentistes, rejoint par tous les secteurs et largement soutenu par l’opinion publique, a porté les témoignages de l’état de délabrement des établissements publics de soin. En septembre 2019, le porte-parole de l’Association des Médecins Urgentistes de France (AMUF) annonçait que les urgences ne pourraient absorber des malades en cas de forte épidémie de grippe. Ce ne fut pas la grippe., elle pourrait avoir des conséquences dramatiques au matière de pertes de chances et engendrer des « tris » de patients.

Cette situation inacceptable et dramatique est l’aboutissement des politiques d’austérité prônées depuis vingt ans, accélérées sous la présidence d’Emmanuel Macron et coordonnées par Olivier Véran, alors rapporteur, des budgets de la Sécurité sociale des trois dernières années sont des budgets drastiquement à la baisse. Bien loin de tirer la leçon du premier confinement, Olivier Véran, aujourd’hui ministre de la santé, défend encore un budget en baisse pour l’hôpital public2Si on ne tient pas compte des mesures annoncées dans le cadre du « Ségur de la santé », qui compensent à peine le gel des revenus des quinze dernières années.à l’occasion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021.

Rien ne justifie une telle politique d’austérité, surtout que le gouvernement refuse de faire toute la transparence sur d’autres dépenses publiques de santé : le prix exorbitant des médicaments, ou encore les aides publiques à la recherche. Alors que des milliards sont donnés en toute opacité aux firmes pharmaceutiques, les moyens pour répondre utilement aux besoins de la population ne sont pas octroyés, nous mettant tous en danger, celui de ne pas pouvoir être soignés.

Des personnes souffrant d’autres pathologies sacrifiées

Au printemps, l’éviction des malades souffrant d’autres pathologies s’est traduite par des pertes de chance et un retard dans la prise en charge. Sans moyens humains ou matériels, les soignant-es vont devoir renforcer encore le tri des patient-es, retarder des interventions chirurgicales. Le choix politique d’austérité pris par Emmanuel Macron met nos vies en danger, alors que cela aurait pu être évité si les moyens avaient été donnés au système de santé.

Le refus d’anticiper les pénuries pour ne pas déplaire aux industriels

Selon un article du Monde, avant la première vague du COVID, 95 % des antiviraux du stock stratégique national géré par Santé Publique France étaient périmés. Jusqu’au mois de mai, nous avons manqué de masques, de blouses, d’écouvillons, de réactifs et aussi de médicaments essentiels à la réanimation et à la prise en charge des soins palliatifs et des personnes dans les EHPAD et services de gériatrie. Des pénuries d’oxygène ont également été rapportées par des médecins de ville.

Le dépistage, depuis mars, n’a pas été pensé, et fait l’objet de décisions improvisées en fonction de la disponibilité des tests et des personnels. Ces décisions témoignent d’une incompétence généralisée et d’un manque de coordination réelle. Interrogé sur ce sujet le 14 octobre, le président a été incapable de présenter une stratégie de dépistage, planifiée, qui tienne compte des erreurs passées. Il a fait porter l’échec sur la seule technique utilisée, et n’a présenté de solutions que techniques : les tests antigéniques, pourtant recommandés avec beaucoup de prudence par la HAS, ou une nouvelle application après l’échec cuisant de Stop Covid, que même la personne en charge du déconfinement Jean Castex, a reconnu ne pas avoir téléchargé. C’est bien aussi l’échec d’une politique de dépistage pertinente, associé à un traçage et un isolement des personnes, qui contraint à un nouveau confinement.

Rien ne semble avoir été fait pour éviter des pénuries de masques ou de médicaments qui ont accablé patient-es et équipes soignantes en avril et mai. Bien au contraire, le ministre de la santé Olivier Véran vient de trancher en faveur des industriels en réduisant le délai de stock qu’ils doivent faire pour éviter des ruptures. Vendredi 23 octobre, il s’est encore opposé à ce délai devant les député-es en affirmant craindre « une lettre de la Commission européenne ». Comment avoir confiance en un « ministre de la santé » qui se décharge ainsi de ses responsabilités ? Comment accepter que la loi d’urgence sanitaire donne autant de pouvoirs à un exécutif qui n’est même pas capable, après 8 mois de crise, d’anticiper des pénuries ?

En effet, des hospitaliers témoignent déjà de manques de masques FFP2, et des pénuries de vaccins contre la grippe sont annoncées depuis un mois – alors que la crise du COVID-19 impliquerait d’être impeccable dans la prévention des autres infections respiratoires.

Le refus de tenir compte des leçons de santé publique

Pour masquer ces pénuries, le gouvernement a fait le choix dans un premier temps de faire mentir les recommandations scientifiques, affirmant ici que les masques seraient inutiles, ou encore là qu’il y aurait une doctrine française du dépistage qui contredirait celle de l’OMS. Bien loin d’aider à gérer la crise, ces mensonges ont alimenté les théories du complot. Des anti-masques à Bernard Henri-Lévy, en passant par Didier Raoult, ouvertement soutenu par le Président de la République, l’omniprésence de discours piétinant les règles élémentaires de la science n’est que la contrepartie des choix politiques et de l’incompétence des responsables politiques et des pouvoirs publics.

Aucun moyen n’a été donné à la santé publique. Aucune campagne d’information claire sur toutes les questions que peut poser l’application des gestes barrières n’a été financée. Aucun moyen supplémentaire n’a été donné pour ralentir l’épidémie à l’école. Il n’y a même pas de référent COVID-19 à l’académie de Créteil.

En lieu et place d’une réelle politique de santé publique, Emmanuel Macron n’a cessé d’en appeler à la seule responsabilité individuelle. Les choix qu’il a faits pour faire adhérer aux mesures restrictives ont toujours été la culpabilisation et la répression, exercée de façon inégalitaire. Or, on sait que cela ne fonctionne pas. On sait que la seule répression provoque rejets, complotisme et comportements d’évitement qui font le jeu de l’épidémie.

Ni Emmanuel Macron, ni Olivier Véran ne se sont appuyés sur la société civile, alors que les enseignements de lutte contre d’autres épidémies en ont montré la nécessité. Au-delà de l’arrogance technocratique de croire qu’on peut lutter contre une pandémie sans s’appuyer sur celles et ceux qu’elle touche dans leur diversité, il s’agit bien là encore d’un aveu d’obscurantisme.

L’état d’urgence sanitaire concentre l’essentiel des pouvoirs aux mains de l’exécutif. L’adhésion à de nouvelles mesures restrictives passe nécessairement par la confiance dans la compétence et les choix politiques éclairées de ceux et celles qui détiennent le pouvoir. Force est de constater que ni le Président de la République, ni son gouvernement, et notamment son ministre de la santé, n’ont prouvé leur compétence. Ils et elles ont prouvé, par contre, que leurs choix politiques étaient désastreux. Si en janvier, il était encore possible de dire que la crise les avait pris-es par surprise, répéter cet argument aujourd’hui est insultant pour les citoyen-nes.

Combien de contaminations et de pertes de chances aux conséquences dramatiques l’incompétence et les choix de l’exécutif vont-elles encore faire ? Le président de la République doit reconnaître les erreurs passées et changer radicalement de politique, annoncer des moyens pour le système de soins et l’hôpital public, mener une réelle politique de dépistage et de santé publique, et réquisitionner des sites de production pour enclencher une vraie production publique locale de médicaments et d’équipements dont nous avons besoin.


Notes

  • 1
    Depuis vingt ans, des politiques d’austérité frappent le système de soins, et notamment l’hôpital public. Depuis deux ans, les personnels hospitaliers tirent la sonnette d’alarme, un mouvement de grève des urgentistes, rejoint par tous les secteurs et largement soutenu par l’opinion publique, a porté les témoignages de l’état de délabrement des établissements publics de soin. En septembre 2019, le porte-parole de l’Association des Médecins Urgentistes de France (AMUF) annonçait que les urgences ne pourraient absorber des malades en cas de forte épidémie de grippe. Ce ne fut pas la grippe.
  • 2
    Si on ne tient pas compte des mesures annoncées dans le cadre du « Ségur de la santé », qui compensent à peine le gel des revenus des quinze dernières années.
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