Nos associations & collectifs font front commun pour sauver les urgences et l’hôpital et dénoncent le «forfait patient urgences» prévu dans le projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale visant à modifier la participation des usagers au financement de leur passage aux urgences. Nous demandons la suppression immédiate de cette mesure et un budget qui permette des soins de qualité pour tous.
Avec le soutien de représentant-es d’usagers et d’usagères : Brigitte Agostini (RU APHP) ; Alain Elkoubi (RU GH Henri Mondor) ; Isabelle Cavé (RU Broca) ; Maude THOMAS (RU Hôpital Saint-Louis) ;Paulette Morin (RU CDU Hôpital Bichat, ARS, CRSA, CPP IDF 3, CCI IDF, CTS 77) ; Marina Massol (Hôpital Trousseau, AP-HP, ParisFf) ; Marie-Hélène Martin (RU hopital Beaujon de Clichy et Louis Mourier de Colombes) ; Germain Gabriel (RU Hôpital Tenon) ; Gérard BERLUREAU (Président de la Commission des usagers de la Pitié-Salpétrière, Président d’honneur de Tandem Ile de France) ; Dalila Noomane (RU Jean Verdier à Bondy, présidente de l’association » Les Fleurs D’Aurore » Drancy), Sidi-Mohammed Ghadi (représentant des usagers et vice président de la CDU de Trousseau )
Un front commun contre le « forfait patient urgences », pour sauver les urgences et l’hôpital public.
Nos associations et collectifs dénoncent le « forfait patient urgences » prévu dans le projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale pour 2021 visant à modifier la participation des usagers au financement de leur passage aux urgences. Ces services ont besoin de moyens matériels, financiers et de personnels, pas d’une mesure injuste visant à décourager les personnes de s’y rendre au péril de leur santé ou à privatiser un peu plus la couverture sociale.
Le Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale pour 2021 (PLFSS 2021) présenté en ce moment à l’Assemblée nationale prévoit dans son Objectif National des Dépenses d’Assurance Maladie (ONDAM) un budget hospitalier dans les faits en baisse, si on retire les maigres compensations salariales aux soignant-es1Comme l’a calculé le Collectif Inter-Hôpitaux, pour financer les annonces faites lors du Ségur de la Santé, « près de 10 milliards supplémentaires en sus de l’ONDAM hospitalier de 84.4 Mds d’euros voté en décembre 2019 sont nécessaires, hors surcoûts liés à la pandémie COVID-19 (masques, tests, dépistage…). Or pour 2021 le PLFSS annonce un budget de 92.3 milliards d’euros d’ONDAM hospitaliers, soit un défaut de recette de 2 milliards d’euros. Ce budget ne permet pas definancer la totalité des mesures du Ségur annoncées en juillet 2020, ni l’augmentation connue de 2 à 3% des charges fixes hospitalières (grille vieillesse technicité, augmentation des cohortes prises en charge, coût des dispositifs et médicaments) ». Après plus d’un an de mobilisation des urgentistes et autres personnels hospitaliers, en pleine crise sanitaire qui a déjà révélé l’état catastrophique de notre hôpital et des urgences, le gouvernement décide donc de porter un coup de grâce en réduisant les moyens pour accueillir et soigner.
De plus, l’article 28 du PLFSS 2021 prévoit de faire payer à toute personne se rendant aux urgences sans que son état ne nécessite une hospitalisation, un « forfait patient urgence » de 18 euros, parfois réduit à 8 euros. Ce forfait remplace le ticket modérateur, s’étend à des personnes qui en étaient jusque-là exonérées notamment les personnes vivant avec une Affection Longue Durée (ALD), comme les personnes épileptiques, ou vivant avec le VIH ou atteintes de diabète.
La mesure revient donc, une fois encore, à faire payer pour leurs soins des personnes vivant avec une pathologie grave, à les désigner comme responsables du « trou de la Sécurité sociale », Sécurité sociale dont le principe fondateur de solidarité est une fois de plus attaqué.
Le forfait pourra être pris en charge par les groupes d’assureurs privés. La mesure étend donc la privatisation de la protection sociale qui défavorise les personnes vivant avec une pathologie grave. De plus, pour un euro de cotisation versé à l’Assurance maladie obligatoire, 0,95 centimes sont dédiés au remboursement des soins, contre 0,85 pour une cotisation à une assurance privée complémentaire. Toute privatisation de la protection sociale revient donc à inciter à dépenser son argent pour autre chose que sa santé : les profits des groupes privés, leur lourdeur administrative, etc.. Enfin, toutes les personnes gravement malades ne disposent pas d’une complémentaire. C’est notamment le cas de nombreux bénéficiaires de l’Allocation Adulte Handicapée (AAH). Comme le rapporte un rapport de la DREES d’avril 2019, 3 millions de Français, soit 5% de la population, sont sans couverture complémentaire. La mesure va donc les précariser.
La mesure a été explicitement présentée par le gouvernement à la presse comme un moyen de désengorger les urgences. Or, la saturation de ces services est causée par des années d’austérité, des moyens drastiquement réduits, un manque de personnel ; par l’insuffisance de médecins généralistes sur des territoires de plus en plus nombreux où les urgences sont de fait devenues le premier recours ; par le démantèlement de la protection sociale (forfait à un euro, franchises médicales, restriction à l’Aide Médicale d’État pour les personnes sans papier, etc.) qui retarde le recours à un médecin généraliste en cas de symptômes légers, et incite les personnes à attendre une évolution grave d’une maladie pour consulter. L’indisponibilité des médecins généralistes, notamment le soir ou le week-end, l’inaccessibilité financière de certains médecins, en raison des dépassements, ou encore le caractère pratique des urgences où les examens peuvent être fait au même endroit, sont d’autres raisons qui montrent à quel point les urgences rendent des services importants, et que lutter contre leur engorgement ne peut se faire sans repenser l’accès à la médecine dans chaque territoire.
Le « forfait patient urgences » ne s’attaque à aucune de ces causes. Il ne pourra donc régler le problème de la saturation des urgences. Il risque certes de décourager des personnes à venir, mais, dans les territoires où il n’y a pas de médecins généralistes, cette mesure risque de se traduire par une perte de chance pour les personnes, dont l’état de santé justifierait une prise en charge rapide par les urgences, mais qui ne s’y rendront pas car le gouvernement et la majorité leur font savoir qu’elles coûtent trop cher à la Sécurité sociale. Ainsi, tout en aggravant les politiques qui détruisent l’hôpital, l’exécutif culpabilise les malades et usagers du système de soins.
Nous demandons la suppression immédiate de cette mesure, un budget pour l’hôpital qui permette un accueil digne et des soins de qualité pour tout le monde, une revalorisation significative des rémunérations des soignants dont nous avons cruellement besoin, un réel travail sur les causes des engorgements aux urgences, la réaffirmation du principe de solidarité fondateur de la Sécurité sociale et de réels moyens pour lutter contre les déserts médicaux.
APESAC, Collectif Inter-Hôpitaux, Collectif Inter-Urgences, Comede, Diabète et Méchant, Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament & Santé Diabète
Notes
- 1Comme l’a calculé le Collectif Inter-Hôpitaux, pour financer les annonces faites lors du Ségur de la Santé, « près de 10 milliards supplémentaires en sus de l’ONDAM hospitalier de 84.4 Mds d’euros voté en décembre 2019 sont nécessaires, hors surcoûts liés à la pandémie COVID-19 (masques, tests, dépistage…). Or pour 2021 le PLFSS annonce un budget de 92.3 milliards d’euros d’ONDAM hospitaliers, soit un défaut de recette de 2 milliards d’euros. Ce budget ne permet pas definancer la totalité des mesures du Ségur annoncées en juillet 2020, ni l’augmentation connue de 2 à 3% des charges fixes hospitalières (grille vieillesse technicité, augmentation des cohortes prises en charge, coût des dispositifs et médicaments) »