Le refus de la levée des brevets sur les vaccins Covid par Emmanuel Macron favorise le développement de variants du virus et compromet la réponse à la pandémie en France et dans le monde. Les politiques publiques doivent être guidées par des principes rationnels découlant de l’application du droit à la santé, sous peine de voir la pandémie se prolonger indéfiniment.
La semaine prochaine se déroule à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) un conseil des ADPIC où sera à nouveau discutée la levée sur les brevets des vaccins contre le COVID. Pour la énième fois depuis octobre 2020, l’Union Européenne sera opposée à cette demande de l’Afrique du Sud et de l’Inde, soutenue par quasiment tous les pays à l’exception de l’UE et du Japon.
En novembre dernier, nous indiquions au journal l’Humanité que toutes les barrières de propriété intellectuelle sur des vaccins COVID devaient être levées à l’OMC pour que les pays du sud puissent produire. En janvier dernier, nous publions, avec entre autres Thomas Piketty, Cynthia Fleury, Els Torreele, Fatima Hassan, Santé Diabète et MSF, dans Le Monde une tribune appelant à la levée des brevets et rappelant que favoriser l’accès aux vaccins devait être une priorité pour les pays du sud. En avril 2021, dans une tribune à Libération, nous rappelions les enjeux de propriété intellectuelle liés aux vaccins COVID.
En mai 2021, suite aux annonces de Joe Biden, et pour répondre au gouvernement français et à tous ceux qui estiment que la propriété intellectuelle n’est pas l’obstacle à la production de vaccins contre le COVID, nous expliquions, dans une tribune au Monde, comment les transferts de technologies auraient pu s’organiser dès octobre vers d’autres producteurs que ceux contrôlés par les multinationales, notamment en Afrique du Sud et en Inde, pour accélérer la disponibilité et l’accessibilité des vaccins.
Les multinationales (qui ont reçu de très nombreuses aides publiques dans le développement de vaccins contre le COVID) ont montré leurs limites dans leur capacité de production des doses qu’elles s’étaient engagées à livrer, preuve que d’autres solutions doivent être mises en place de toute urgence : AstraZeneca n’a par exemple pas livré toutes les doses promises à l’UE, tandis que J&J/Janssen, qui promettait 1 milliard de doses livrées en 2021, n’en a ce jour livrées que 45 millions.
Empêcher depuis des mois les pays du sud de produire des vaccins pour leur population est donc criminel.
Une pandémie est un problème mondial, qui ne connait ni frontière, ni pass sanitaire, et les pays les plus riches auront beau vacciner l’ensemble de leur population, le problème ne sera pas réglé tant que l’ensemble de la population mondiale n’aura pas la possibilité de lutter contre la pandémie avec toutes les armes possibles, sous peine, que le virus revienne constamment vers les pays étant parvenus à une immunité collective sous formes de variants, en partie résistants aux vaccins, exigeants constamment de prolonger la vaccination.
Outre le fait que refuser l’accès d’une partie de la population mondiale à toutes les armes pour lutter contre cette pandémie est inéthique, c’est une ineptie d’un point de vue sanitaire. Ainsi, si en France, l’accès aux vaccins est reconnu par le gouvernement comme une nécessité absolue (si bien qu’en l’espace de quelques jours, il est envisagé que les personnes ne voulant/ne pouvant pas se faire vacciner soient privées d’accès à de nombreux lieux), le gouvernement semble se satisfaire pleinement du fait que les pays pauvres n’aient un taux de vaccination que de 1%, et que rien ne soit proposé à ces pays à part quelques donations marginales.
Cette duplicité de la part d’Emmanuel Macron et d’Olivier Véran dissimule mal les intentions réelles derrière les annonces effectuées lundi dernier, très inquiétantes d’un point de vue éthique, de santé publique et de libertés fondamentales. Les mesures répressives sont l’aboutissement de mois d’impréparation et d’absence de réflexion autour de la mise en place de la stratégie vaccinale pour atteindre toutes les populations. La superposition des cartes entre inégalités économiques en Ile-de-France et faible vaccination, montre une corrélation importante entre les deux.
Les politiques publiques doivent être guidées par des principes rationnels découlant de l’application du droit à la santé, sous peine de voir la pandémie se prolonger indéfiniment.