Alors que les débats s’enlisent sur le bien-fondé de la «levée des brevets», disposition prévue dans les accords de l’OMC, un constat s’impose : le système doit d’être réformé en profondeur. Car l’impossibilité de ce recours, en pleine pandémie mondiale, nous amène à la même conclusion que celle que le Lancet a formulé fin décembre dans un rapport : « le système des brevets est cassé ».
Covid-19, santé mondiale : le Lancet appelle à sortir les médicaments du système des brevets.
Alors que les débats en France s’enlisent sur le bien-fondé de la « levée des brevets », c’est-à-dire sur le recours à une disposition prévue dans les accords de 1994 fondant l’organisation mondiale du commerce (OMC), un constat s’impose : le système a besoin d’être réformé en profondeur. Car l’impossibilité du recours, en pleine pandémie mondiale, à des dispositions prévues par l’OMC, 15 mois après la demande initiale et alors qu’une majorité de pays soutient cette proposition, montre les limites du système actuel et nous amène à la même conclusion que celle du Lancet : « le système des brevets est cassé ».
Il est urgent d’adapter et de réformer le système actuel de propriété intellectuelle pour un monde sujet à des épidémies et pandémies nouvelles et récurrentes.
La Commission COVID-19 du Lancet a publié en décembre 2021 un bilan de la lutte contre la pandémie et émis des recommandations. Fruit d’un travail interdisciplinaire de 25 experts internationaux, soumis à une relecture par les pairs, le document recommande notamment une refonte du système de propriété intellectuelle : « A présent, il est clair que l’accord ADPIC [Accord sur la propriété intellectuelle] de l’OMC [Organisation Mondiale du Commerce] a échoué à répondre efficacement aux plus grandes crises de notre génération. Il est urgent de supprimer les médicaments et technologies essentielles de la santé du champ d’application de cet accord. »
Comme ces experts le rappellent, « les entreprises pharmaceutiques ont battu des records de profits, mais les discussions sur le prix réel et le coût de l’innovation ont été insuffisantes. » Cette situation n’a rien de nouveau. La Commission COVID-19 du Lancet rappelle une prise de position de la revue vieille de cinq ans :
Nous ne pourrons atteindre aucun objectif sans reconnaître que le modèle commercial actuel basé sur les brevets et la façon dont nous appliquons les règles sur les brevets doivent changer. Le système est cassé.
Et le document enchaîne implacablement : « Et cassé il reste, même au milieu de l’extraordinaire bilan humain du COVID-19. »
On note notamment que : « Les normes générales du régime actuel de propriété intellectuelle, de l’OMPI [Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle] et de l’OMC, ont creusé la dépendance technologique des pays à bas et moyens revenus et fait des millions de morts en raison du manque d’accès aux médicaments, vaccins et diagnostics. » La conclusion s’impose : « Stimuler l’innovation dans le domaine des biens de santé essentiels doit être fait dans une optique d’élargir radicalement l’accès; réduire les prix ; et créer des environnements de recherche collaboratifs et open source […] Le seul médicament ou vaccin qui représente un progrès pour les patients est un progrès auquel ils ont réellement accès. »
Mercredi 19 janvier, Emmanuel Macron prétendait dans son discours devant les parlementaires européens que la propriété intellectuelle n’était pas un obstacle à l’accès aux technologies contre le COVID-19, dont les vaccins. Il piétinait ainsi l’expertise scientifique. Il est temps que nos dirigeants conduisent enfin une politique sanitaire rationnelle, car, comme le rappelle Le Lancet, « il est urgent d’adapter et de réformer le système actuel de propriété intellectuelle pour un monde sujet à des épidémies et pandémies nouvelles et récurrentes. »