En France, le bilan officiel vient de dépasser les 40 000 morts du COVID-19 et les décisions contradictoires, incohérentes, ou révélant simplement d’un vide de la pensée et de la réflexion dans la réponse à la pandémie, se multiplient. Chaque jour est l’occasion d’une illustration de la désorganisation gouvernementale, au point où l’on en vient à se demander si au plus haut sommet de l’État, les acteurs clés sont impliqués pour prendre les décisions majeures qui s’imposent.
Car depuis de longs mois maintenant, personne ne peut nier que notre pays paie le prix fort de l’amateurisme et de l’immaturité d’un dirigeant et de son entourage. Des pouvoirs exceptionnels leur ont été confiés et ils ne savent pas les utiliser efficacement pour nous protéger.
Après 10 mois de crise, le Président de la République doit désormais rendre des comptes sur sa gouvernance, qui, en piétinant l’ordre constitutionnel pour le copinage et le cercle restreint, en refusant toute coordination d’une action d’ampleur, fait le jeu de la pandémie et nous met tous et toutes en danger. Il nous expose aux tris dans les hôpitaux, aux urgences, aux pénuries récurrentes de matériels et de médicaments notamment.
Les preuves de la désorganisation
Le 12 mars dernier, moins de cinq heures avant que la Président de la République Emmanuel Macron n’annonce la fermeture de tous les établissements scolaires, son ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer assurait que la fermeture des établissements scolaires n’était pas envisagée. Manque de communication ? Concentration des décisions sur la seule personne du Président qui décide au dernier moment, sans consulter le ministre en charge du dossier ? Quelles qu’en soient les raisons, ce dysfonctionnement sur une mesure aussi essentielle était déjà peu acceptable en mars.
Ces dysfonctionnements se sont perpétués au cours des mois suivants, comme l’a dénoncé un rapport confidentiel coordonné par le général Lizurey commandé par le Président de la République et remis en juin dernier, dont une partie du contenu a été révélée par le Canard Enchaîné et Mediapart. Il y est décrit les rivalités et concurrences interministérielles, l’inadaptation technique des ministères à la visioconférence qui a empêché de dialoguer entre services ou avec les préfets, la mise à l’écart des collectivités territoriales. Parmi les recommandations émises il y a 4 mois, on peut lire :
Il apparaît d’emblée indispensable de conduire un retour d’expérience (RETEX) interministériel objectivé et partagé, accompagné le cas échéant d’un ou plusieurs RETEX spécifiques, afin de préparer dans les meilleures conditions possibles une nouvelle crise de nature similaire.
Alors que le bilan officiel vient de dépasser les 40 000 morts, la désorganisation gouvernementale continue de s’illustrer chaque jour, prouvant que ce rapport est resté lettre morte. Pour ne citer que quelques exemples :
- Mardi 3 novembre, le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal annonce la mise en place d’un couvre-feu à Paris. Il est démenti dans les minutes qui suivent par Matignon.
- Mercredi 4 novembre, le ministre de la santé reconnaît devant les député-es de la commission d’information sur la gestion de la crise du COVID-19 qu’il n’a pas été destinataire du rapport Lizurey. Depuis plus de 4 mois, alors que ses services devraient être au cœur de la réponse à la crise, il n’est donc pas informé du diagnostic sévère pointant la désorganisation de l’exécutif, ni, surtout, des recommandations pour améliorer l’action gouvernementale.
- – Jeudi 5 novembre, Mediapart révèle qu’une note rédigée par la direction générale des collectivités locales dresse un bilan sévère montrant l’impuissance de l’État à faire face aux morts en mars, avril et mai : crémations imposées, funérailles empêchées, mises en bière forcées, etc. Datée de septembre, la note émet là aussi des recommandations. On y lit par exemple qu’ « une information claire et largement partagée aurait également évité les situations où la crémation a été présentée, de manière illégale, comme obligatoire ». Le ministère de la santé n’en a eu connaissance que « courant octobre », alors que la deuxième vague démarrait.
La mise en place du reconfinement, les annonces contradictoires sur les fermetures de certains magasins, puis de certains rayons de supermarché, le délai d’une semaine après la rentrée des classes, pour autoriser, en lycée seulement, les demi-groupes, les pénuries de matériels essentiels qui se profilent ou qui sont déjà sous tension (gants, oxygène…), l’incapacité pour les agences en charge, comme Santé Publique France (SpF) à produire le moindre spot de prévention notamment autour de l’utilisation des masques – tout cela montre que 10 mois après le démarrage de la crise, les erreurs passées ne sont pas considérées, les recommandations de bon sens ne sont pas transmises, l’amateurisme règne, les décisions sont prises dans l’opacité au niveau de l’Élysée, sans concertation avec l’ensemble des ministères, des administrations, des élus locaux, sans même parler de la société civile. Pire, tous les acteurs extérieurs au gouvernement qui ont proposé leur aide sont méprisés.
Ces dysfonctionnements graves contribuent à entretenir la méfiance à l’égard des gestes barrières et des mesures restrictives indispensables et à l’acceptation d’un reconfinement devenu nécessaire compte tenu des erreurs répétées. La lutte contre le COVID-19 exige une réponse coordonnée impliquant le plus d’acteurs possibles ainsi qu’une planification reposant sur une anticipation des besoins.