Le gouvernement franchit une nouvelle étape dans sa politique de « réduction des dépenses de santé », qui ne vise en fait qu’à accélérer la privatisation du système de santé. Ce lundi 19 juin, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a annoncé programmer le déremboursement de certains soins1, ce qui implique un transfert de leur prise en charge de l’Assurance maladie à des groupes d’assurance privés. Sous les apparences d’une rhétorique bienveillante, Bruno Le Maire a par ailleurs rendu responsables du déficit et de la dette les personnes les plus lourdement malades, en les opposent au reste des usagers du système de soins2. Le ministre piétine, dans la foulée de ses prédécesseurs depuis 20 ans, les fondements de la solidarité, selon lesquels chacun contribue selon ses moyens et reçoit selon ses besoins.
Le ministre prétend vouloir faire preuve de « responsabilité », il ne fait preuve que de dogmatisme :
- La responsabilité d’un ministre voulant préserver le système de santé solidaire consisterait d’abord à évaluer la pertinence des prix des médicaments en s’appuyant sur des éléments rationnels, tels que ceux que nous avons listés dans notre check-list de la transparence3. En mai 2019, les États-membres de l’Organisation Mondiale de la Santé adoptaient à l’unanimité une résolution appelant à faire la transparence sur ces informations pour permettre la fixation juste des prix des traitements4. Dans son avis de novembre 2020 sur l’Accès aux innovations thérapeutiques5, le Comité consultatif national d’éthique recommandait lui aussi la transparence afin que le régulateur retrouve du pouvoir dans les négociations.
- La responsabilité d’un ministre serait ensuite de faire baisser le prix des traitements princeps (sous brevet) par les moyens légaux que le droit international et national autorise, comme la licence obligatoire, qui permet de produire ou d’importer des génériques d’un médicament encore sous brevet, et par la mise en place d’une production au moins en partie publique.
Ainsi, quand le ministre défend la nécessité d’ « être plus stricts sur les autres dépenses de santé, en particulier les dépenses de médicaments. », il dit bien que sa rigueur ne s’exercera pas sur les premiers responsables de l’explosion de ces dépenses : les industries du médicament.
Est-il légitime de payer des nouveaux traitements à plus de trois millions d’euros quand ils ont été développés avant tout grâce à de l’argent public6 ? Pourquoi l’administration en charge de négocier les prix des médicaments ne disposent-elles pas des informations nécessaires comme le coût de production, l’investissement réel des industriels dans le développement du médicament, les marges des intermédiaires, l’ensemble des aides publiques reçues ? Quand le prix exorbitant de traitements princeps menace notre système de santé alors qu’un industriel comme Sanofi annonce des dividendes en hausse, dépassant les 4 milliards de dollars, est-il responsable pour un ministre de vouloir faire payer plus les ménages, au risque que beaucoup ne puissent plus payer leurs soins, sans s’interroger sur la légitimité de tels prix ? Attend-on des médecins qu’ils calculent le prix de leur ordonnance ?
Cette mesure, accompagnée de la promesse d’énièmes coupes sur les arrêts-maladies, s’inscrit dans une politique agressive d’austérité et de privatisation du système de santé, dont la seule conséquence concrète sera de creuser toujours plus les inégalités en santé et d’accroître les profits des groupes privés : entreprises du médicament ou assurances.
Nous appelons l’ensemble de la société civile, notamment les associations de malades et d’usagers du système de soins, à se mobiliser pour la transparence sur le chaine du médicament, pour une politique de santé fondée sur des éléments rationnels et visant un système de santé réellement solidaire.
1« La gratuité ou la quasi-gratuité peuvent conduire à déresponsabiliser le patient et expliquent que l’achat de médicaments soit encore si élevé en France […]Nous devons donc définir des règles plus efficaces et une meilleure répartition des charges pour mettre fin à ces dérives et garantir la soutenabilité de notre système de santé. »
2« Pour que les plus malades, les plus fragiles, ceux qui souffrent d’affections de longue durée soient le mieux protégés, nous devons être plus stricts sur les autres dépenses de santé, en particulier les dépenses de médicaments. »
3https://otmeds.org/publications/check-list-de-la-transparence-sur-les-medicaments/
4https://apps.who.int/gb/ebwha/pdf_files/WHA72/A72_R8-en.pdf
5https://www.ccne-ethique.fr/node/385
6https://www.lemonde.fr/sciences/article/2020/01/07/scandale-novartis-le-produit-d-un-systeme-encourage-par-l-absence-d-actions-de-nos-pouvoirs-publics_6025089_1650684.html