Vente à l’unité : les pénuries de médicaments nécessitent une réponse à la hauteur

Publié le 21 septembre 2023 Dans la catégorie : Communiqués de presse , , ,

Le gouvernement envisagerait d’imposer la dispensation à l’unité des antibiotiques en cas de pénuries1. Cette mesure ne répond en rien aux causes structurelles de ces pénuries sur lesquelles le gouvernement refuse de travailler. Elle pourrait cependant contribuer à réduire l’impact des pénuries, réduire le gaspillage, améliorer l’observance et réduire le risque d’antibiorésistance si les moyens nécessaires et des précautions suffisantes étaient prises. Or, les gouvernements successifs depuis 6 ans ne nous ont pas habitués à satisfaire ces conditions.

Une étude de l’INSERM2 menée de novembre 2014 à 2015 sur des pharmacies volontaires a montré l’intérêt d’une dispensation à l’unité des antibiotiques. La mesure, bien acceptée par 80 % des patients touchés, a permis de réduire le volume des médicaments de 10 %. Selon cette étude, 91,4 % des patients bénéficiant de la dispensation à l’unité ont observé strictement la prescription dans le groupe contre 65,6 % dans le groupe contrôle.

Mais ces données sont produites dans le cadre idéal d’une étude, peu reproductible en conditions réelles. De plus, l’étude n’a pas pris en compte le temps de travail supplémentaire pour les pharmaciens, ce qui est indispensable pour s’assurer de l’efficacité de la mesure. Début 2022, les pharmacies volontaires ont été autorisées à une dispensation à l’unité de certains médicaments. Un an plus tard, d’après la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France, le dispositif représente 0,1 % des actes de délivrance3. Les opposants à la mesure, notamment les syndicats des pharmaciens d’officine, font valoir le temps de travail supplémentaire que cela représente. Ces mêmes opposants alertent aussi sur certains risques qu’il faut prendre en compte : la disparition des pictogrammes de sécurité, la contradiction de cette mesure avec la sérialisation et les mesures de traçabilité des médicaments.

Aucune de ces objections, réelles, n’est en soi indépassable et les réflexes corporatistes ne devraient pas remettre en cause les politiques de santé. Alors que le gaspillage de médicaments est bien réel, que le risque d’antibiorésistance est une menace pour la santé mondiale, cette mesure de bon sens devrait bénéficier d’une mise en œuvre prudente. Elle doit s’appuyer sur la consultation de tous les acteurs, sur des moyens adéquats et respecter les nécessaires précautions de sécurité sanitaire. Cette mesure doit s’accompagner d’un renforcement des discours de santé publique et de toute autre action renforçant le bon usage du médicament. Elle pourrait, moyennant ces conditions, réduire l’impact des pénuries de médicaments, mais ne répondrait en rien à leurs causes structurelles.

Pour répondre à ces causes structurelles, il est indispensable d’assurer toute la transparence sur la chaine du médicament, de sortir les produits de santé des logiques de l’offre et de la demande, ou encore de profits, et d’assurer une production au moins en partie publique locale, coordonnée au niveau européen. Nous appelons l’ensemble des acteurs qui ont à cœur la défense de la santé, de travailler ensemble en ce sens.

1Journal de France Inter, mercredi 20 septembre 2023, 13 heures

2https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0184420

3https://www.sudouest.fr/sante/vente-de-medicaments-a-l-unite-un-an-apres-son-autorisation-pourquoi-le-dispositif-peine-a-convaincre-14968566.php

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