Le groupe LFI à l’Assemblée nationale a présenté ce matin une proposition de loi (PPL) visant la création d’un pôle public du médicament, un établissement permettant une planification sanitaire et une production pharmaceutique publique. L’annonce est faite dans un contexte très inquiétant : aux pénuries structurelles de médicaments, toujours en augmentation, se rajoute le poids illégitime des prix exorbitants des traitements dits innovants, véritable menace pour la pérennité de notre système de santé solidaire1. Une production publique ouvrirait des pistes de solutions face aux pénuries, et pourrait servir de levier dans les négociations sur les prix des traitements.
Le texte, qui s’inspire des travaux d’OTMeds2, prévoit en outre un plus grand contrôle de l’activité des industries du médicament (interdiction des délocalisations par exemple), des conditionnalités aux aides publiques et la mise en œuvre effective de la transparence. Cette transparence doit guider rationnellement la fixation des prix et l’usage par les pouvoirs publics des licences obligatoires pour contourner les brevets et produire (ou importer) des génériques de médicaments dits innovants, à des prix plus bas.
Une production publique et les mesures qui l’accompagnent sont indispensables pour sortir le médicament des lois de l’offre et de la demande et des logiques de profit. Le gouvernement s’entête dans son dogmatisme en la matière, que ce soit les effets d’annonce du président de la République Emmanuel Macron mardi 13 juin sur une production locale de médicaments, ou les propositions du ministre de l’économie et des finances Bruno Le Maire lundi 19 juin, visant à privatiser la santé plutôt que de faire baisser les prix des médicaments dits innovants.
Face à cette impasse politique, dangereuse pour le droit à la santé, il est indispensable que le débat public porte des propositions pragmatiques et sérieuses. Nous appelons donc les député-es, notamment de la Nupes, à soutenir cette proposition de loi. Ce texte, présenté par les parlementaires LFI Damien Maudet, Elise Leboucher et Matthias Tavel reprend et développe une proposition du groupe LFI à l’Assemblée nationale que la majorité présidentielle avait sabordée en juin 2020. La version actualisée est trop longue pour être discutée dans une niche parlementaire unique mais les groupes parlementaires peuvent se coordonner pour se répartir l’ensemble des 9 articles de cette PPL et les défendre chacun dans leur niche.
Enfin, même si cette initiative parlementaire ne permet pas de la poser, il est nécessaire de rappeler qu’une coordination européenne de cette production publique est indispensable.
1Dans son avis de novembre 2020 sur l’Accès aux innovations thérapeutiques, le Comité consultatif national d’éthique alertait sur cette menace et recommandait la transparence pour guider rationnellement la fixation des prix. https://www.ccne-ethique.fr/node/385
2Voir par exemple notre rapport sur la relocalisation de la production pharmaceutique pour le Parlement européen publié en février 2022. https://otmeds.org/publications/relocalisation-de-l-industrie-pharmaceutique/