Sans pôle public du médicament, sans transparence sur tous les aspects de sa production, « l’indépendance sanitaire » ne sera qu’un énième vain slogan et la visite de Macron un geste inutile – sauf pour les actionnaires de Sanofi.
Le Président de la République met en scène sa visite d’une usine de production de Sanofi pour convaincre de sa volonté de redonner à la France une indépendance sanitaire. Il entend faire des annonces pour défendre comme biens communs les médicaments et vaccins contre le COVID-19.
D’une part, nous condamnons le choix de cette date : les personnels hospitaliers se mobilisent aujourd’hui pour des moyens concrets pour accomplir leur mission. Une telle démarche d’Emmanuel Macron aujourd’hui invisibilise leur mobilisation, et témoigne d’un mépris obscène à rebours des préoccupations affichées pour réinscrire la santé comme un bien commun.
D’autre part, il faudra bien plus qu’un geste symbolique et que les quelques annonces qui ont déjà fuité pour nous convaincre de la sincérité du président. En effet, la politique menée par le chef de l’État, son gouvernement et sa majorité est celle d’un refus de sortir le médicament, le diagnostic, les vaccins, les produits de santé, des logiques de profit et de l’offre et de la demande. Une telle politique nous met en danger, et nous rend vulnérables face aux chantages de l’industrie pharmaceutique, et ne profite qu’à leurs actionnaires :
- Il y a 15 jours, les député-es de la majorité ont ruiné une proposition de loi proposée par l’opposition et visant à créer un pôle public du médicament, seule façon de retrouver une indépendance sanitaire ;
- Pendant la crise du COVID-19, alors que nous étions confronté-es à de graves pénuries de diagnostic et de médicaments essentiels à la réanimation, le gouvernement a refusé de procéder à des réquisitions afin de réorienter les lignes de production non essentielles vers ce qui était indispensable. Sans prendre en compte les contaminations qui auraient pu être évitées avec plus de diagnostic, ni le droit de mourir dans la dignité remis en cause par les pénuries, l’exécutif a donc laissé faire la loi de l’offre et de la demande et refusé de reprendre la main sur la production.
- Ces pénuries auraient pu être réduites si les industriels avaient constitué des stocks. Cela ne semble pas avoir été fait. Non seulement les mesures contraignant l’industrie pharmaceutique sont insuffisantes, mais le gouvernement parait incapable de les faire appliquer.
- Depuis un an que l’OMS a adopté une résolution invitant à faire toute la transparence sur la chaine du médicament, le gouvernement et la majorité ont manqué ou saboté toutes les occasions de l’appliquer en France. Un an plus tard, Emmanuel Macron, Édouard Philippe ou Olivier Véran refusent par exemple d’informer les citoyens sur les contributions publiques à la recherche privée. On sait par exemple que Sanofi reçoit depuis 10 ans 150 millions d’euros de Crédit Impôt Recherche chaque année. Dans la même période, Sanofi a supprimé plus de 2800 postes de recherche et abandonné des domaines entiers comme Alzheimer.
Plutôt que de mettre en scène une confiance imméritée dans l’industrie avec une visite symbolique et une annonce d’un énième partenariat, Emmanuel Macron doit exiger de l’industrie des comptes sur l’argent public versé. Toutes les contributions publiques à la recherche doivent faire l’objet d’un conditionnement, et les médicaments, vaccins, produits de santé qui ont été ainsi financés doivent sortir de la logique des brevets : ils appartiennent à chacun-e d’entre nous, car ils ont été financés avec nos impôts.
Pour que les produits développés dans le cadre de la lutte contre le COVID- des biens communs, Emmanuel Macron doit exiger de Sanofi qu’il renonce à ses titres de propriété intellectuelle développés contre le COVID. Et si le laboratoire refuse, le gouvernement doit émettre des licences d’office sur ces produits. Emmanuel Macron doit expliciter son plan pour soutenir les producteurs de génériques et de biosimilaires pour favoriser une réelle concurrence entre les différents acteurs ; en effet, déclarer vouloir faire des médicaments et produits de santé des biens communs ne suffit pas. Il faut également permettre une réelle concurrence.
Sans pôle public du médicament, sans transparence sur tous les aspects de sa production, « l’indépendance sanitaire » ne sera qu’un énième vain slogan et la visite de Macron un geste inutile – sauf pour les actionnaires de Sanofi.