Alors que des candidats à la présidentielle ont répondu à notre appel pour faire de la levée des brevets sur les vaccins contre le Covid une priorité, la porte-parole de LREM Prisca Thevenot s’oppose publiquement à cette mesure. Elle contredit ainsi la promesse faite par Emmanuel Macron le 10 juin dernier. Le Président doit clarifier sa position.
Suite à notre appel dimanche, plusieurs candidats à l’élection présidentielle ont réaffirmé leur soutien à la demande de levée des barrières de propriété intellectuelle : Fabien Roussel hier, Philippe Poutou ce matin sur RMC et BFM, Yannick Jadot ou Jean-Luc Mélenchon sur Twitter.
Au message de ce dernier, la porte-parole d’En Marche Prisca Thevenot a manifesté une opposition claire contre cette mesure : « Il y a 10 mois on vous expliquait que l’urgence n’était pas de mener une guerre stérile contre les laboratoires mais de fournir des vaccins au monde ! La France au travers de la voix d’Emmanuel Macron a permis le programme Covax : les brevets c’est bien, les vaccins c’est mieux »
Ce message s’oppose à la promesse faite le 10 juin dernier par Emmanuel Macron devant Oxfam, Sidaction, puis des journalistes de soutenir cette mesure dans les arènes multilatérales. Peu suivi d’effets concrets, cet engagement est aujourd’hui contredit par la porte-parole officielle du mouvement présidentiel. Prisca Thevenot oppose à la levée des brevets les dispositifs existants. Moins de 1 % des doses produites depuis un an est arrivé dans les pays les plus pauvres, moins de 5% de la population de ces pays est vaccinée, moins de 2% au Nigéria. Comment peut-on vanter le bilan des initiatives existantes avec un tel résultat ? Enfin, en quoi autoriser la production de vaccins majoritairement développés avec de l’argent public revient-il à « déclarer la guerre aux labos » ? Emmanuel Macron n’avait-il pas promis en mai 2020 de faire du vaccin un « bien public mondial qui n’appartiendra à personne et appartiendra à tous » ?
La « levée des brevets » désigne dans le débat actuel la demande déposée par l’Inde et l’Afrique du Sud en octobre 2020 auprès de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) d’une dérogation aux droits de propriété intellectuelle de l’accord ADPIC, comme cet accord de l’OMC le permet, pour permettre une suspension temporaire des droits de propriété intellectuelle sur les technologies développées dans le cadre du COVID-19 et autoriser leur production partout. Selon un rapport de chercheurs de AccessIBSA et Médecins sans frontières (MSF), plus de 100 producteurs à travers le monde seraient aujourd’hui prêts à produire ces vaccins à ARNm. Avec un transfert de technologie, possible grâce aux contrats, ces producteurs pourraient répondre aux besoins des populations.
Le premier ministre Jean Castex a estimé vendredi qu’il « n’est pas admissible que le refus de quelques millions de Français de se faire vacciner mette en risque la vie de tout un pays et entame le quotidien d’une immense majorité de Français qui a fait preuve de responsabilité depuis le début de cette crise. » Il n’est pas non plus admissible que le refus de quelques gouvernements, dont celui d’Emmanuel Macron et Jean Castex, d’autoriser les pays du Sud à produire des vaccins, mette en risque la vie de tout un pays et de nombreuses populations à travers le monde. Car aujourd’hui Moderna et Pfizer sont les seuls bénéficiaires de cette situation. Personne ne sortira de la pandémie sans un accès large aux rares outils dont nous disposons contre le COVID-19.
L’opposition de la porte-parole d’En Marche à cette mesure oblige le Président de la République à clarifier sa position : s’enfermera-t-il dans la communication dogmatique pour faire oublier les résultats désastreux des initiatives existantes ou soutiendra-t-il enfin concrètement une mesure nécessaire pour autoriser les pays du sud à produire des vaccins, sauver des vies et limiter le risque d’émergence de variants ?