COVID-19
5 mesures d’urgences
que doit annoncer
Emmanuel Macron
La crise causée par le COVID-19 révèle la justesse du constat de tous ceux et celles qui dénoncent la privatisation de la santé et les conséquences dramatiques des politiques d’austérité affectant la recherche publique et le système de soins depuis des années. Ces politiques mettent en danger la population, car en cas de grave pandémie, notre système n’est pas prêt à faire face à l’urgence.
L’épidémie de COVID-19 met notre système de santé à l’épreuve alors que celui-ci est au plus mal et que les alertes s’enchainent depuis des années. Des portes paroles d’urgentistes déclaraient en septembre 2019 dans une réunion publique : « En cas de pandémie nous ne pourrions pas faire face. » Nous y sommes. Comme l’a indiqué le ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire : « Il y aura un avant et après COVID-19 ».
Il en va de la responsabilité d’Emmanuel Macron et d’Olivier Véran de ne pas tergiverser. Il n’est plus possible de nier l’évidence : la pérennité de notre système de santé solidaire est menacée mais surtout, à court terme, des vies humaines sont menacées par le manque de moyens alloués aux hôpitaux publics et aux urgences depuis des décennies, et par une politique de production locale du médicament que nous avons délaissée pour la confier exclusivement aux mains du secteur privé.
Il n’est pas trop tard pour qu’Emmanuel Macron en tienne enfin compte, et prenne les mesures que ce constat impose : mise en œuvre totale et immédiate de la résolution de l’Assemblée Mondiale de la santé de 2019 sur la transparence sur tous les aspects de la chaine du médicament, production locale et publique de médicaments, principes actifs et produits diagnostics.
L’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament propose, à côté des nécessaires dispositions d’hygiène, de précaution et de confinement, 5 mesures d’urgence qui doivent être reprises par l’exécutif :
MESURE n°01
Transparence du
financement de la recherche.
La mise en place immédiate de la transparence sur le financement de la recherche et du développement (R&D), notamment publique
Constat
Seule la recherche publique semble efficace pour répondre aux besoins réels de la population en matière d’orientations et d’urgences de santé publique. Comme le montre le cas du COVID-19, les grands groupes pharmaceutiques privés se sont très rapidement tournés vers le soutien public pour faire face aux enjeux de l’épidémie du COVID-19. Les laboratoires travaillant sur ce virus depuis de nombreuses années sont principalement publics et sont sous-dotés financièrement et humainement, comme vient de le rappeler le témoignage d’un directeur de recherche CNRS à Aix-Marseille1« Dans mon équipe, nous avons participé à des réseaux collaboratifs européens, ce qui nous a conduits à trouver des résultats dès 2004. Mais, en recherche virale, en Europe comme en France, la tendance est plutôt à mettre le paquet en cas d’épidémie et, ensuite, on oublie. Dès 2006, l’intérêt des politiques pour le SARS-CoV avait disparu ; on ignorait s’il allait revenir. L’Europe s’est désengagée de ces grands projets d’anticipation au nom de la satisfaction du contribuable. […] J’ai pensé au Crédit Impôt Recherche, passé de 1.5 milliards à 6 milliards annuels (soit deux fois le budget du CNRS) sous la présidence Sarkozy. J’ai pensé au Président Hollande, puis au Président Macron qui ont continué sciemment ce hold-up qui fait que je passe mon temps à écrire des projets ANR. J’ai pensé à tou·tes mes collègues à qui l’ont fait gérer la pénurie issue du hold-up. ». Les logiques de rentabilité à court terme, et de choix de R&D uniquement guidés par des logiques financières, la délocalisation des lieux de production, de la fermeture de secteurs entiers de recherche2Alors que le laboratoire Sanofi reçoit 150 millions d’euros par an au titre du Crédit Impôt Recherche, il a supprimé en dix ans plus de 2000 postes de chercheurs et abandonné tout travail sur Alzheimer et de nombreuses autres pathologies. Cf. notamment les graphiques réalisés par les employé-es de Sanofi au sein du collectif « Anti-Sanofric », La Lutte des Sanofi pour les Nuls, page 60. rendent la recherche privée incapable de faire face aux enjeux réels de santé, notamment en cas d’urgence, sans des soutiens massifs de l’État.
Mesure à prendre
Le gouvernement doit s’assurer de la traçabilité du soutien public aux groupes privés, en assurant toute la transparence, par décret, comme l’exigeait l’amendement qui avait été adopté par les parlementaires en décembre dernier avant d’être censuré par le conseil constitutionnel le 20 décembre 2019. Ce décret doit aller plus loin et également exiger des firmes pharmaceutiques la transparence sur leurs contributions réelles à la R&D. Le gouvernement doit s’assurer que le prix des médicaments et produits de santé qui en découleront éventuellement prendra en compte ce soutien et également que ces produits seront disponibles et accessibles dans d’autres pays. Il faut en finir avec la logique de gaspillage qui veut que l’investissement et le risque liés à la recherche soient publics, mais les profits privés ; et que nous payons au moins deux fois pour les mêmes produits de santé, à travers le soutien à la recherche et à travers les remboursements de l’Assurance Maladie.
Mesure N°02
Transparence et encadrement des prix.
La mise en place immédiate de la transparence et l’encadrement des prix des médicaments, produits de santé et diagnostics
Constat
Comme l’ont montré des études de chercheurs de l’Université de Liverpool et de l’OMS, en étudiant les prix réels de la matières premières, les prix des produits de santé sont très éloignés des coûts de production réels. Il n’y a pas de corrélation entre un coût de production, l’intérêt thérapeutique du produit, le niveau socio-économique du pays et son prix. Le prix est le simple fruit d’une négociation ou reflète simplement un rapport de force entre le producteur et un acheteur. Ce rapport de force semble la plupart du temps très déséquilibré et nos institutions publiques doivent retrouver du pouvoir dans les négociations. L’industrie pharmaceutique dégage des marges plus élevées que n’importe quel autre secteur. Un contrôle et une régulation de ces prix est possible, et nécessaire, afin de réorienter les dépenses de santé vers les besoins réels. Le gouvernement a été très réactif pour dénoncer l’augmentation illégitime des prix du gel hydroalcoolique et pour annoncer très rapidement son contrôle par décret, mettant fin aux prétentions de celles et ceux qui entendaient s’enrichir sur notre santé. Il a apporté la preuve qu’un contrôle des prix appliqué aux produits de santé est possible.
Mesure à prendre
La transparence sur les prix des médicaments, produits de santé doit être faite immédiatement (voir notre check-list de la transparence publiée en septembre 2019). Les modalités de fixation du prix des médicaments, produits de santé, diagnostics et vaccins doivent être revues, notamment grâce aux informations obtenues dans le cadre de la mesure n°1. Les prix doivent être encadrés.
MESURE N°02 bis
Transparence et encadrement des prix .
La mise en place immédiate de la transparence sur les prix, coûts réels de production, origine des réactifs et plateformes diagnostiques, utilisées pour tester le COVID-19
Constat
Le dépistage est un élément clé de la lutte contre le Covid-19 comme semble le montrer l’exemple sud-coréen, où un usage étendu des tests diagnostics est corrélé à une progression faible du virus. C’est aussi ce que recommande l’Organisation Mondiale de la santé (OMS) dans la situation française. Or, le manque de personnel, de stocks de réactifs, de plateformes ouvertes et de budget semble empêcher un recours étendu au dépistage en France. Ainsi, les raisons qui poussent aux choix qui sont actuellement faits en matière de diagnostic du COVID-19 en France ne sont pas claires. Quelles sont les plateformes de diagnostics PCR3Test pratiqué pour dépister le COVID-19 : real-time RT-polymerase chain reaction (rRT-PCR) detection of the SARS-CoV-2 virus (qui provoque le COVID-19) utilisées dans le dépistage du COVID-19 ? Notre système de santé est-il doté de suffisamment de plateformes de diagnostic « ouvertes » permettant l’utilisation de kits pour le COVID-19, supportant l’utilisation de kits et de réactifs qui ne sont pas ceux des firmes qui profitent d’une situation oligopolistique sur le marché du diagnostic leur permettant de fixer unilatéralement les prix de ces réactifs ou kits (Abbott, Roche, Quiagen, etc.) ? Qui sont les fournisseurs de ces tests et kits ? Le CDC aux Etats-Unis a publié sur son site la liste des kits et réactifs utilisés pour dépister le COVID-194Tests utilisés aux Etats-Unis pour dépister le COVID-19 https://www.cdc.gov/coronavirus/2019-ncov/lab/testing-laboratories.html.
A titre d’exemple : les exemples recensés des prix pour réaliser des tests PCR pour différentes maladies infectieuses descendent rarement en dessous de 20€ par test dans les pays où les informations sont disponibles. Dans de nombreux pays, les prix sont bien plus élevés. Si l’ensemble de la population française avait recours à un test PCR au prix de 20 euros par test très conservateur pour le COVID-19, cela reviendrait à plus d’un milliard d’euros de dépenses exclusivement liées à ce test. Le recours à des kits diagnostics de fabricants privés nous place dans une situation d’ultra-dépendance vis-à-vis de ces producteurs, qui peuvent fixer unilatéralement les prix. Cette situation nous met en danger.
Mesure à prendre
Le gouvernement doit mettre en place une transparence totale sur les choix en matière de priorités de dépistage, et nous rassurer sur le fait qu’il ne s’agit pas avant d’un raisonnement économique. Il doit par ailleurs communiquer les prix des tests de dépistage (type de plateformes utilisées, kits de prélèvement, outils PCR en temps-réels utilisés, réactifs, etc.), dans la crise du COVID-19. Le prix par test du COVID-19 et le nom des fournisseurs doivent être rendu publics.
Une des raisons pour lesquelles le gouvernement limite le nombre de tests semble lié au refus de promouvoir une politique de production locale de diagnostics sur le long terme, ce qui nous aurait permis en cas de pandémie d’être plus réactifs dans la production d’outils de dépistage. Cette crise doit être une opportunité pour nous obliger à prendre des mesures nécessaires pour notre système de santé.
Mesure N°03
Relocalisation et production publique.
La mise en place d’une production locale publique de médicaments et produits de santé en France
Constat
Notre pays est ultra dépendant des importations de médicaments, principes actifs et outils de diagnostics comme l’a reconnu elle-même l’ancienne ministre de la santé Agnès Buzyn le 14 février dernier. Les ruptures et pénuries existaient déjà avant cette crise, illustrant parfaitement les risques de laisser les choix stratégiques en matière de production de médicaments et de principes actifs au seul secteur privé, qui lui agit en fonction d’incitations et priorités économiques et non sanitaires. Pour compléter ce constat, on peut lire notre communiqué de juillet 2019 ou un article récent de Jean-Yves Nau.
Mesure à prendre
La production de médicaments et produits de santé, et notamment de produits diagnostics comme les kits et réactifs doit être relocalisée en France. Celle-ci doit être publique et doit être orientée vers les besoins en santé de la population. Ces unités de production doivent notamment permettre une plus grande réactivité en cas de pandémie. Elle permettrait par exemple dans une situation comme celle que nous traversons une fabrication urgente de tests diagnostics.
Par ailleurs, toute aide apportée pour la relocalisation en Europe au secteur privé doit être rendue publique, ainsi que les conditions liées à cette aide. Concernant les médicaments et produits de santé sous brevets, des licences d’office doivent être émises pour lever toute restriction à la production. Les clauses d’exclusivité des données cliniques ou de mise sur le marché doivent être également levées.
Mesure n°04
Accès aux soins
sans entrave.
Levée immédiate des diverses entraves à l’accès aux soins
Constat
Des impératifs budgétaires portant sur les enjeux de santé ont des conséquences humaines et sanitaires catastrophiques, et s’avèrent ineptes économiquement. Outre leur caractère raciste, les récentes attaques contre le droit à la santé des étrangers, notamment des demandeurs d’asile, lancées en plein démarrage de la crise du COVID-19, s’avèrent dangereuses pour la santé des personnes, pour la santé publique et coûteuses économiquement. De même, le rétablissement d’une journée de carence en cas d’arrêt maladie pour les fonctionnaires hospitaliers ou le personnel de l’Education nationale aura certainement un impact sur l’épidémie et sur les coûts liés.
Mesure à prendre
Celles et ceux pour qui la vie humaine et la santé sont moins prioritaires que les budgets doivent enfin prendre acte que les dépenses de santé ne sont pas un coût, mais un investissement. Les entraves aux soins pour les demandeurs d’asile doivent être levées, les étrangers sans-papiers doivent pouvoir bénéficier de la CMU, le jour de carence doit être supprimé.
Mesure n°05
Politiques d’austérité.
L’arrêt immédiat des politiques d’austérité en santé
Constat
L‘hôpital public est en crise grave, sa capacité d’accueil est compromise par vingt ans de politiques d’austérité et de management libéral, accentué ces dernières années par le gouvernement d’Emmanuel Macron et Edouard Philippe. Cette politique met en danger les patients. Pendant la même période, les pouvoirs publics ont accepté de financer des médicaments et produits de santé aux prix de plus en plus exorbitants, sans jamais évaluer la légitimité de tels prix. Malgré plus d’un an de mobilisation et de grève des personnels hospitaliers, soutenus par les associations de patients et les usagers, rien n’a été fait pour redonner les moyens humains et matériels nécessaires. Le risque porte non seulement sur la gestion de cette épidémie, mais bien aussi sur le maintien d’une prise en charge pour les autres pathologies.
Mesure à prendre
Les demandes des personnels mobilisés pour la sauvegarde de l’hôpital public et des urgences doivent enfin être satisfaites et le budget hospitalier doit être augmenté massivement et en urgence.
Notes
- 1« Dans mon équipe, nous avons participé à des réseaux collaboratifs européens, ce qui nous a conduits à trouver des résultats dès 2004. Mais, en recherche virale, en Europe comme en France, la tendance est plutôt à mettre le paquet en cas d’épidémie et, ensuite, on oublie. Dès 2006, l’intérêt des politiques pour le SARS-CoV avait disparu ; on ignorait s’il allait revenir. L’Europe s’est désengagée de ces grands projets d’anticipation au nom de la satisfaction du contribuable. […] J’ai pensé au Crédit Impôt Recherche, passé de 1.5 milliards à 6 milliards annuels (soit deux fois le budget du CNRS) sous la présidence Sarkozy. J’ai pensé au Président Hollande, puis au Président Macron qui ont continué sciemment ce hold-up qui fait que je passe mon temps à écrire des projets ANR. J’ai pensé à tou·tes mes collègues à qui l’ont fait gérer la pénurie issue du hold-up. »
- 2Alors que le laboratoire Sanofi reçoit 150 millions d’euros par an au titre du Crédit Impôt Recherche, il a supprimé en dix ans plus de 2000 postes de chercheurs et abandonné tout travail sur Alzheimer et de nombreuses autres pathologies. Cf. notamment les graphiques réalisés par les employé-es de Sanofi au sein du collectif « Anti-Sanofric », La Lutte des Sanofi pour les Nuls, page 60.
- 3Test pratiqué pour dépister le COVID-19 : real-time RT-polymerase chain reaction (rRT-PCR) detection of the SARS-CoV-2 virus (qui provoque le COVID-19)
- 4Tests utilisés aux Etats-Unis pour dépister le COVID-19 https://www.cdc.gov/coronavirus/2019-ncov/lab/testing-laboratories.html